Le narratif poutinien, 13

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

L’art de la négociation

Rasez les villes, tuez tous les habitants. Les négociations peuvent commencer après. Un espoir de paix se dessine alors.

Cessez-le-feu : il cesse de lui-même, quand il ne reste plus rien à brûler.

Souffler le chaud et le froid : expression usuelle employée dans les médias occidentaux, qui traduisent les bonnes nouvelles par « le chaud ». Les faibles des pays tempérés ignorent que le chaud peut monter jusqu’à 100 degrés, température de cuisson d’un homme dans une marmite.

Une volte-face peut-être immédiatement suivie par une deuxième volte-face, qui replace à la position de départ après un tour complet.

Après une séance de négociations qui s’est traduite par des avancées significatives suivies par des reculs au statu quo ante, plusieurs diplomates de la partie adverse sont décédés en rentrant chez eux. Un banal accident de voiture, en raison des chaussées endommagées.

Kafka, Scène de torture

Dans une lettre à Milena, Kafka a dessiné l’histoire de l’Ukraine : une figure humaine, coupée en deux moitiés, déchirée entre des poteaux verticaux, dans lesquels sont pratiqués quatre trous par où passent des bâtons croisés en X, et fixés aux mains et aux pieds pour étirer les membres jusqu'à la rupture du tronc.

Sur la partie droite, à bonne distance de la scène, un spectateur, appuyé sur une colonne, ventru, regarde. C’est l’inventeur de la machine à torturer, le bourreau ou un témoin indifférent. Pourquoi interviendrait-il ? Il est déjà trop tard, et il risquerait d’être pris dans la machine. Il a croisé bras et jambes, pour s’éviter le sort de la figure écartelée.

 

Le narratif poutinien, 12

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Le pays qui n’existe pas est désormais entièrement peuplé d’hommes.

Toutes les femmes sont parties à l’Ouest. De l’autre côté de la frontière, elles ont été accueillies par des hommes attentionnés qui leur ont proposé un travail attractif et bien rémunéré. Certaines n’ont pas eu le choix. Elles ont été réparties selon des quotas entre les pays où le travail des femmes est légal : l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne. La France songe à modifier sa législation pour favoriser l’insertion professionnelle des réfugiées sans emploi.

Leur arrivée massive a fait chuter les tarifs en déstabilisant ce secteur de l’économie, selon le vœu du tsar Poutine 1^er : foutre le bordel dans les bordels.

Des vidéos ont été largement diffusées sur les réseaux sociaux ukrainiens, avec un effet certain sur le moral des troupes. La bande-annonce disait : « Pendant que vous jouez au petit soldat dans un pays qui n’existe pas, regardez comment vos femmes s’amusent à l’Ouest. »

 

Le narratif poutinien, 11

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

La vie Auchan

Lors de son intervention devant les deux assemblées françaises, le président Zelensky avait accusé nommément les entreprises Renault, Auchan et Leroy-Merlin d’être « les sponsors de la machine de guerre russe », et il avait ajouté : « les valeurs valent plus que les bénéfices ».

Renault se retire, Heineken et Carlsberg aussi.

Mais Auchan, Leroy-Merlin et Decathon restent. La famille Mulliez, propriétaire des trois enseignes, a fait savoir qu’elle obéissait à des valeurs humanistes. On croyait avoir affaire à une entreprise capitaliste internationale, mais c’est en fait une ONG à vocation humanitaire, soucieuse du bien-être collectif. Le PDG d’Auchan l’a clairement exprimé, en opposant la fausse valeur à la vraie valeur : « Partir serait imaginable sur le plan économique, mais pas du point de vue humain. »

Du « point de vue humain », l’entreprise reste en Russie pour ses actionnaires, qui ne s’intéressent qu’aux valeurs humanistes et non aux bénéfices, ses collaborateurs, ses clients, dont il faut protéger le pouvoir d’achat en période de forte inflation.

La vie Auchan, Leroy-Merlin et vos envies prennent vie, à fond la forme. Même s’ils ont été conçus en temps de paix, les slogans valent aussi pour la guerre.

Le narratif poutinien, 10

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Trois types de bombes

Les bombes au phosphore éclairent dans la nuit. Les Ukrainiens ne vont quand même pas se plaindre de cette lumière offerte gratuitement par les Russes dans les quartiers pourris sans réverbère et dans les secteurs privés d’électricité, à cause de l’incurie de leurs dirigeants. Et d’ailleurs, le phosphore, on en trouve dans le poisson et dans le cerveau.

Quand les Russes ont lancé leur première bombe bactériologique sur l’Ukraine pour voir comment les Occidentaux réagiraient, ils avaient plusieurs scénarios sous le coude. 1) La bombe est d’origine ukrainienne, elle devait viser la Russie mais elle est tombée avant de franchir la frontière. 2) Les armées russes de libération ont bombardé avec une arme conventionnelle un laboratoire ukrainien où sont menées des « expériences très dangereuses » sur les armes interdites, visant à propager la peste et le choléra, et les germes bactériologiques ont fuité du laboratoire, contaminant ceux qui voulaient contaminer et les punissant par là où ils ont péché. 3) Les armées russes ont agi en état de légitime défense, précédant de quelques minutes les Ukrainiens qui s’apprêtaient à employer leur arsenal de bombes bactériologiques. (Le narratif peut également servir pour les armes chimiques.)

La Russie avait bien prévenu qu’elle n’utiliserait l’arme nucléaire en Ukraine qu’en cas de « menace existentielle ». Or l’Ukraine est un pays qui n’existe pas. Mais ses dirigeants et son peuple ont la prétention de revendiquer son existence. Donc la Russie est fondée à voir dans cette obstination une « menace existentielle » à son égard.

Façons de parler

Arme nucléaire : toujours précédée de « spectre ».

Étau : se resserre de plus en plus. L’étau se resserre autour de Kiev.

Rage : indice d’intensité des combats. Les combats font rage.

Responsabilités : chacun doit prendre les siennes.

Rouge : couleur de la ligne à ne pas franchir et du chiffon qu’on agite. L’adhésion de l’Ukraine à l’Europe est un chiffon rouge pour Moscou.

Sanctions : les prochaines seront encore plus dures.

Ton : monte de plus en plus. Joe Biden a encore haussé le ton.

Le narratif poutinien, 9

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Suite de l’article du journal russe, « Le bordel démocratique »

Pourquoi séparer les trois pouvoirs alors qu’il est plus efficace de les réunir dans une seule main, qui fait les lois, les exécute et rend la justice ? On y gagne en rapidité et en cohérence. La démocratie, c’est comme le poisson : elle pourrit par la tête, et trois fois plus vite quand il y en a trois.

Si la démocratie avait voulu se ligoter les pieds et les poings pour se condamner à la paralysie, elle ne s’y serait pas prise autrement qu’en installant des contre-pouvoirs qui empêchent le pouvoir de s’exercer dans toute sa force.

Les démocraties sont si faibles que la justice relâche les avocats après qu’ils ont défendu un client reconnu coupable. Il est plus logique de les emprisonner à l’issue du procès, comme on l’a fait avec les deux avocats d’Alexeï Navalny. En plaidant en faveur du terroriste, ils ont montré qu’ils partageaient les mêmes idées dangereuses pour la sureté de l’État.

Le narratif poutinien, 8

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Suite de l’article du journal russe, « Le bordel démocratique » (variante de la traduction approximative).

Les démocraties donnent au monde un spectacle pitoyable tous les jours mais surtout les jours de vote : elles sont tellement fatiguées que les électeurs n’ont plus la force de se déplacer pour mettre un bulletin dans l’urne. Ils appellent cela l’abstention, mais c’est en fait une démission, une usure, qui contraste avec la vigueur de notre régime, plébiscité par le peuple qui vote comme un seul homme et avec un seul bulletin.

Notre dirigeant décide et aussitôt après ses mots entrent en action, alors que les démocraties sont paralysées par des discutions à n’en plus finir entre des gens qui ne réussissent jamais à se mettre d’accord. C’est le règne du bruit, du vent, comme de faibles femmes qui causent dans un salon des affaires du monde, pendant que le monde bouge.

Voilà pourquoi les démocraties perdront toujours sur le champ de bataille : une vraie guerre se construit sur dix ou vingt ans de pouvoir ininterrompu ; un président élu démocratiquement pour un mandat de quelques années n’a pas le temps d’en préparer une avec sérieux. Il est tout de suite remplacé par un autre qui défait ce qu’a fait son prédécesseur. Il diminue le budget des armées et déclare bien haut qu’il ne croit pas aux intentions belliqueuses du voisin.

Le narratif poutinien, 7

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Certains journaux russes continuent de suivre l’actualité française. Voici la traduction d’un article récent, intitulé « La démocratie, c’est le bordel » (traduction approximative).

L’État est si faible qu’au lieu de se débarrasser directement d’un terroriste, il attend qu’un autre terroriste l’assassine en prison.

Le candidat écologiste a demandé aux nazis d’Ukraine de cesser leurs hostilités contre nos soldats libérateurs : les dégâts qu’ils occasionnent avec leurs armes à feu dégagent du CO2 et polluent gravement la planète.

En bloquant les dépôts de carburant, les automobilistes français protestent contre les sanctions infligées par leurs dirigeants au peuple russe.

De mémoire d’un président démocratiquement élu pour quatre ou cinq ans, on n’a jamais vu mourir un président russe.

Le gouvernement russe soutiendra tous les régimes démocratiques qui décideront de mettre fin au bordel démocratique.

Le narratif poutinien, 6

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Le patriarche orthodoxe russe Kirill, patriarche de toutes les Russies, a conclu son sermon en répétant que l’intervention en Ukraine était le « combat métaphysique » de la Sainte Russie comme les forces du mal, et que les Ukrainiens étaient des sous-hommes à exterminer.

Au lieu de se conduire moralement en accueillant leur libérateur, les habitants de Marioupol préfèrent se terrer comme des bêtes. Au bout d’un mois de siège, ils n’ont plus à boire ni à manger. Sur des vidéos diffusées par les chaînes officielles russes, on les voit boire leur urine, manger du chien, du chat, des enfants, les malades, se battre pour le dernier grain de blé et se dévorer entre eux. Il est ainsi démontré que les Ukrainiens ne se comportent pas comme des êtres humains à l’image de Dieu.

Le patriarche orthodoxe russe Kirill, patriarche de toutes les Russies, ancien agent du KGB, bénira les habitants de Marioupol quand ils sortiront de leur trou à rat pour recevoir le pain et le vin apportés par leur libérateur.

Le narratif poutinien, 5

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Après sa démonstration de force devant 80.000 poutinophiles agitant des drapeaux, dont la moitié croyait qu’on était venu les chercher en car pour assister à un match dans le stade de Loujniki, le tsar Poutine 1er a pensé que ce serait l’arène idéale pour terminer la guerre, comme dans l’Antiquité. Le clown Zelensky et lui, le héros blanc, s’affronteraient d’homme à homme, seul à seul, sur un immense ring dressé au milieu du stade, rempli à craquer de poutinophiles, et celui qui remporterait la victoire aurait gagné la guerre. Le clown Zelensky a tout de suite accepté l’offre, qui lui a paru aussi démente que la déclaration de la guerre, et propre à épargner des vies humaines.

Mais les deux parties n’ont pas réussi à s’entendre sur la nationalité de l’arbitre. Et c’est ainsi que la guerre a continué.

L’idée faisant son chemin dans le cerveau du tsar Poutine 1er, il a proposé au comité Olympique que les prochains Jeux se tiennent dans ce stade. Par respect pour son homologue chinois, il a attendu la fin des Jeux de Pékin pour envahir l’Ukraine, mais seulement la fin des Jeux pour les valides, considérant que les Jeux paralympiques à suivre ne devaient quand même pas retarder les opérations militaires, lesquelles occasionneraient de nombreux handicapés qui pourraient concourir aux prochains Jeux. La Russie, a-t-il fait valoir auprès des instances internationales, est donc bien placée pour les organiser.

 

Le narratif poutinien, 4

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

La directrice de la télévision officielle russe a révélé ce que le monde supposait : les bombardements sur la ville de Marioupol sont l’œuvre des Ukrainiens, pour faire croire à une agression russe.

La réalité est bien pire. En fait, ce qui se passe sur la scène ukrainienne est une invention du clown Zelensky. En baisse dans les sondages après un scandale d’évasion fiscale, il a voulu retrouver sa popularité d’acteur en réalisant une série politique dont le titre est tout un programme : « La Russie envahit l’Ukraine ». Mais les effets spéciaux coûtaient trop cher. Il a donc demandé à la Russie de s’associer pour tourner le film grandeur nature, au jour le jour, en direct. Les missiles sont de vrais missiles, les immeubles éventrés de vrais immeubles et les morts de vrais morts. Le réalisme est ainsi à son comble.

Le scénario est assez simple : les bons contre le Méchant. Le clown Zelensky a ainsi pu retrouver une côte de popularité supérieure à 100%.

Les majors américains ont largement financé cette production hollywoodienne dont le succès mondial se vérifie chaque jour sur les écrans.

Le narratif poutinien, 3

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

L’opinion publique chez les Faibles s’est retournée d’un coup, après deux attentats. Le premier a eu lieu sur un marché. Juste avant de se faire sauter, le kamikaze enveloppé dans un grand drapeau bleu et jaune avait posté une protestation contre l’Occident trop molle devant l’agresseur russe. Pour réveiller les consciences, disait-il, et pousser à l’action contre l’envahisseur, il se sacrifiait à la cause ukrainienne. C’était presque vraisemblable. Les cinquante morts autour de lui, sur le marché, ont tout de suite changé le regard sur les vrais réfugiés ukrainiens. La famille du kamikaze a reçu plusieurs dizaines de milliers de roubles en dédommagement.

Le second s’est fait sauter dans un théâtre de l’Ouest où l’on donnait un concert en soutien au peuple ukrainien (ah, la culture comme arme de résistance). Là aussi, une cinquantenaire de morts. Et une revendication inverse : le kamikaze était un mercenaire de Wagner infiltré qui avait choisi un concert pour tuer le plus possible de nazis.

Après les deux fois cinquante morts, des innocents venus faire leurs courses ou écouter de la musique, les généreux Occidentaux ont regardé la moitié des Ukrainiens réfugiés comme des exaltés ingrats, et l’autre moitié comme des saboteurs déguisés.

Et c’est à partir de ce moment-là qu’ils ont commencé à les repousser vers l’Est, dans leur pays qui n’existe plus.

Le narratif poutinien, 2

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Joe Biden hausse le ton, traitant le tsar Poutine 1^er de criminel de guerre, mais il refuse toujours d’envoyer des avions, sinon ce serait la troisième guerre mondiale. Mais les Faibles de l’Ouest ne savent pas que la troisième guerre mondiale a commencé, ou ils font semblant de ne pas savoir, et elle a commencé depuis longtemps.

Ils ont vu ce qu’ils ne voulaient pas voir. Pendant les premières semaines, les réfugiés ont été accueillis à bras ouverts, des femmes jeunes et blondes serrant des enfants en pleurs. Les pays de l’Ouest ont absorbé un, deux, trois millions d’exilés. Ils ont cru qu’ils allaient prendre le train du retour. Mais le Pays qui n’existe pas a continué à se vider vers l’Ouest. Après les femmes et les enfants sont arrivés les familles, les malades, les soldats blessés, les infirmes, poussés par les bulldozers qui déblaient les ruines et les machines qui sèment le blé des Russes pour l’autre printemps. Si on soustrait quatre ou cinq millions de morts, il reste quand même quarante millions d’Ukrainiens à répartir entre les 27 qui discutent quotas et capacités d’accueil. Le bordel s’est installé dans chaque pays, entre les pays, dans toute l’Europe. Et dans le monde.

Ils n’ont pas compris, les Faibles, que dans un monde mondialisé, toucher à un coin du monde, c’est toucher le monde entier.

Quand ils auront faim et froid, ils viendront manger dans la main du grand frère russe qui les chauffe et les nourrit.

Au jeu d’échecs, c’est toujours le Russe qui gagne à la fin, en prenant la diagonale du Fou.

Le narratif poutinien, 1

Les poutinologues se demandent ce qui se passe dans la tête de Poutine. C’est assez simple. Imaginer le pire est pécher par optimisme.

« On ira les buter jusque dans les chiottes. »

Vladimir Poutine, 1999

Un missile russe est tombé de l’autre côté de la frontière polonaise, juste de l’autre côté, à moins d’un kilomètre de l’Ukraine. Aussitôt, le Kremlin a fait savoir qu’il s’agissait d’une erreur, avant de publier un deuxième communiqué corrigeant la première version : le missile visait une base militaire ukrainienne, mais sa trajectoire a été déviée par un antimissile envoyé par les terroristes ukrainiens. C’est donc la faute de l’ennemi ukrainien si le missile russe est tombé en Pologne et non en Ukraine. Comme l’antimissile est de fabrication allemande et qu’il a transité par la Pologne pour arriver jusqu’en Ukraine, c’est la faute des Allemands et des Polonais si le missile russe a frappé en Pologne.

L’OTAN a vigoureusement réagi, comme à son habitude, en déclarant qu’une nouvelle étape avait été franchie et elle a annoncé une cinquième ou sixième vague de sanctions, encore plus dures que les quatre ou cinq précédentes, mais en refusant toujours d’envoyer des avions. Les frappes de missiles russes, malheureusement déviés par les antimissiles ukrainiens fournis par les puissances étrangères, vont continuer dans les semaines à venir, de plus en plus loin à l’intérieur de la Pologne.

Si l’agresseur ukrainien s’interdisait l’usage immoral des antimissiles étrangers, le survol à basse altitude des hélicoptères russes permettrait les bombardements chirurgicaux qui tomberaient au bon endroit, au lieu d’obliger l’armée de libération russe à larguer ses missiles depuis les avions opérant à haute altitude, avec moins de précision.

Les poutinologues se demandent jusqu’où ira Poutine, et s’il ira jusqu’au bout. Ils ne savent pas, ces faibles de corps et d’esprit, que Poutine n’a pas de bout : le bout recule à mesure qu’il avance. Les terroristes ukrainiens, eux, voient le bout : le mur qu’ils ont dans le dos quand ils se battent.

Sale temps

Effet du réchauffement de la planète : la guerre froide est devenue chaude et même brûlante. Les catastrophes humanitaires et climatiques se ressemblent. Elles rendent la terre inhabitable et entraînent des migrations de masse.

Sale temps, il neige. Les populations meurent de froid. Le sang fait des taches rouges sur le blanc.

Après le gel, le dégel. En russe : la raspoutitsa, où l’on entend une ratatouille de boue, un mélange de Raspoutine et de Poutine, comme une promesse d’enlisement, après Napoléon et les troupes d’Hitler.

Ukrainiens, dépavez les rues, dégoudronnez les routes ! Le ciel et le feu vous tuent, la terre et l’eau vous sauveront.

Niveau de vie

Vers le quinzième jour de guerre, l’Ukraine a cessé de faire l’ouverture. D’autres sujets occupent l’actualité : tous les candidats sont entrés en campagne, la bataille électorale fait rage, l’inquiétude monte chez nos concitoyens devant les effets désastreux du conflit et des sanctions sur les économies européennes : le prix du gaz, de l’essence, du blé.

Le gaz n’a pas d’odeur.

Pendant l’édition spéciale « Guerre en Ukraine » avec un drapeau bleu et jaune au coin de l’écran, sur fond d’immeubles en ruines derrière le journaliste, on s’offre le réconfort de quelques plages publicitaires : des agents immobiliers vous aident à estimer votre bien à son juste prix, perdez du poids sans vous priver, des plats cuisinés livrés chauds chez vous, comment faire des économies sur votre assurance auto, découvrez la liberté avec la dernière voiture hybride, la banque solidaire qui va changer le monde : « dans quel monde voulez-vous investir et vous investir ? »

Après, il va falloir tout reconstruire. Nos entreprises se préparent.

Comédie

Volodymir Zelensky a commencé par la comédie, il a enchaîné avec le drame historique avant de finir dans la tragédie : il a interprété tout Shakespeare.

Plusieurs fois, il a franchi la frontière entre la fiction et la réalité, la vie et l’art. C’est ce qui lui donne cette force.

Comme le dramaturge, il trouve les formules simples, poétiques : Le ciel nous tue. Fermez le ciel. Un politicien conseillé par des communicants aurait dit : Empêchez les avions russes d’occuper l’espace aérien.

Aux Américains qui lui proposent de l’aider à quitter Kiev, il répond : « J’ai besoin d’armes, pas de faire un tour. » C’est aussi sublime que le dialogue de Corneille : « Que voulez-vous qu’il fît contre trois ? — Qu’il mourût ! » L’ironie cinglante en plus.

C’est en costume cravate qu’il était déguisé pour monter sur la scène internationale. En pull vert kaki, il a retrouvé ses habits de ville. Son naturel est le comble de l’art, et sa négation.

Acteur, il est aussi scénariste, il sait écrire ses répliques, se mettre en scène. Mais la catastrophe l’a arraché à tous les rôles pour le projeter dans l’improvisation.

Morozov

En préface au catalogue de la collection Morozov, présentée à la Fondation Louis Vuitton, le président Macron célèbre « ces ponts qu’artistes et amoureux des arts ont bâti entre nos pays » et le président Poutine présente aux visiteurs ses « vœux d’impressions fortes et inoubliables ». Pour être fortes et inoubliables, les images diffusées en marge de l’exposition le resteront assurément.

Dans une petite salle où l’on entre comme dans une église, un tableau est accroché seul : La Ronde des prisonniers de Van Gogh.

Après la défaite de la Russie, le tableau sera rendu au Musée Pouchkine de Moscou, avec une modification apportée par la Cour pénale internationale de La Haye.

AVANT

APRÈS

Langage

Pour les premiers pourparlers de négociation, les Russes ont envoyé de petits diplomates, des seconds couteaux (un journaliste).

En réponse aux exigences de Vladimir Poutine, les Américains ont dit Niet (un autre journaliste).

Ballet diplomatique : toujours intense.

La campagne présidentielle en France : dire qu’elle est percutée par la guerre en Ukraine, et même percutée de plein fouet.

Armée russe : rouleau compresseur.

Sanctions : toujours contre-productives.

L'Occident occis

« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » (Winston Churchill).

Au nom de la « Voie russe », Vladimir Poutine juge l’Occident faible, décadent, uniquement préoccupé de confort matériel. Au nom d’Allah, les islamistes jugent l’Occident faible, décadent, uniquement préoccupé de confort matériel. Il est temps que le Soleil se lève à l’Ouest.

Au début de la guerre, on répétait à l’Ouest que personne n’était prêt à mourir pour l’Ukraine. Au 13e jour de la guerre, on n’est toujours pas prêts mais on va mourir quand même.

Les députés des démocraties occidentales applaudissent debout un président héroïque sans cravate qui lève le poing et puis laisse sa chaise vide pour repartir au combat. Il y a dans son geste quelque chose du gladiateur romain saluant la tribune : morituri te salutant.

Quand 13 jours après que les Ukrainiens ont franchi les portes de l’enfer, les Occidentaux se demandent s’ils devront baisser de 1 ou 2 degrés leur chauffage l’hiver prochain, on se dit que Poutine n’a pas tout à fait tort de nous mépriser.

Qu’attendent-ils, nos dirigeants occidentaux qui saluent l’héroïsme de Zelensky ? Qu’il crie « Vive l’Ukraine » sous les balles russes pour accomplir son destin de héros.

Migrations

Depuis que la guerre s’est rapprochée de nos portes, les migrants sont devenus des réfugiés.

Les migrants polonais, on savait comment les employer : ils étaient tous plombiers. Mais les Ukrainiens ? et les Ukrainiennes ?

Vladimir Poutine ne s’oppose pas à l’ouverture de couloirs humanitaires pour laisser passer les civils, à condition qu’ils se terminent par une porte bien fermée au bout, comme les couloirs de la mort.

Le premier ministre israélien a négocié un couloir humanitaire pour les Juifs ; le président de la Chine a négocié un couloir humanitaire pour les Chinois ; le premier ministre iranien a négocié un couloir humanitaire pour les Iraniens, etc.

Depuis que la guerre s’est étendue à toute l’Europe, les Blancs tentent de passer en Afrique, mais les murs et les barbelés qu’ils ont érigés sont aussi difficiles à franchir depuis la face nord, et les passeurs tout aussi féroces en reprenant la mer en sens inverse.

La guerre, les mots

En anglais, c’est plus simple de brandir sa pancarte : Putin / Put out.

Putain de Poutine ! ça ne sert à rien, mais vu l’impuissance générale, ça soulage.

Si on écrit Kyiv à l’ukrainienne, on entend Qui vive.

À l’Est

On sort du Covid (chinois) pour entrer dans la guerre (russe). Des vents mauvais se lèvent à l’Est.

Un journaliste populaire qui disparaît pendant que toute l’attention des médias est concentrée ailleurs manque d’un élémentaire sens de l’à-propos.

La Russie interfère encore sournoisement dans la campagne électorale pour la présidentielle française, comme en 2017 : Éric Zemmour perd plusieurs points dans les sondages.

Géographie

De Gaulle : « L’Europe, de l’Atlantique à l’Oural ». Poutine : « La Russie, de l’Oural à l’Atlantique ».

En temps de guerre, on apprend très vite la géographie, et aussi que « la géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre. »

Pour dîner avec le diable, il faut une longue cuillère. Et une très longue table pour négocier avec Vladimir Poutine.

Le grenier à blé

Il se murmure dans les allées du Salon de l’agriculture que l’intention de Vladimir Poutine est de raser toutes les villes de l’Ukraine pour que le pays mérite pleinement son nom de « grenier à blé ». Ainsi, les semeuses et les moissonneuses pourront-elles manœuvrer sur une vaste plaine de 600 mille kilomètres carrés, grande comme la France, sans être arrêtées par des obstacles.

Trop pris par les affaires du monde, Emmanuel Macron a laissé passer la date limite du dépôt des candidatures à l’élection présidentielle. Les sondages le plaçaient pourtant en tête.

Disney a sorti une arme létale : son film Alerte rouge ne sera pas diffusé en Russie. Les enfants russes vont descendre dans la rue.

Un Français vivant à Kiev témoigne que les habitants héroïques opposent à l’ennemi « une défense effarouchée ».

Kaspersky : mon antivirus est russe. Comment faire ?