jeudi 22 mars 2018

SNCF


Dans un journal, je n’ai pas noté lequel : « Philippe promet de réformer la SNCF à grande vitesse. » L’ambiguïté du complément (« à grande vitesse » se rapporte aussi bien à SNCF qu’à la réforme), l’image du TGV pour caractériser le tempo politique « naturalisent » en quelque sorte la décision politique : il semble normal d’appliquer à la SNCF un régime qui appartient à son identité. L’image interne enferme et rend acceptable le train de mesures : on a bien dû la faire aussi, celle-là. Le chemin de fer est un grand pourvoyeur d’images, sans doute parce qu’il a forgé l’identité de la nation.

On a coupé le rail en deux (les infrastructures d’un côté, le matériel roulant de l’autre), on a rapproché les villes à grande vitesse et décroché les campagnes, on a déchargé le fret vers les camions, et ceux qui ont fait dérailler la locomotive s’étonnent que ça marche moins bien.

Les gares de triage, ces grands « nœuds » ferroviaires, sont devenues des cimetières de locomotives, qui pourrissent là en attendant un désamiantage trop onéreux. Il arrive même qu’entre les files de locomotives attachées les unes derrière les autres comme des trains complets, on retrouve un vieux cheminot pendu.

Les cheminots ont été les premiers et les plus grands résistants. C’est peut-être cet esprit de résistance qui déplaît aux gouvernements, quels qu’ils soient. En cas de nouvelle occupation, eux une fois cassés, qui s’opposerait ?

mardi 20 mars 2018

Conservations captées


— Pourquoi est-ce que tu ne te mets pas à droite, du côté de ma bonne oreille ?
— Parce que je préfère être à ta gauche.

— Ça monte et ça descend, dans cette ville.
— Il y a un peu des deux.

— Il faudrait quand même te décider.
— J’ai un peu de mal à choisir.
— Entre quoi et quoi ?
— Soit je suis en mode répartir à zéro, soit je laisse complètement tomber. Et là, je penche plutôt pour (ils s’éloignent).

Une vieille dame à la Poste. Elle remplit un formulaire.
— Je m’applique pour écrire, comme un écolier, sinon ma main va partir dans le vent.

jeudi 8 mars 2018

Littéralement incorrect


Les Juifs ne supportent plus l’humour juif ; les féministes ne supportent plus les blagues sexistes ; les hommes politiques n’ont jamais supporté les poires de Philippon, etc. Par gros temps de radicalisation et de violence verbale, tous voient dans ces formes décalées l’expression d’une discrimination, d’un racisme, d’un antiféminisme, etc. L’époque est au littéralement correct, au premier degré. Il y a peu, on célébrait Voltaire pour son Traité de la tolérance. Aujourd’hui, on le condamnerait pour son maniement de l’ironie. Pourtant, qu’est-ce qu’on peut inventer de mieux que le second degré (la blague, l’humour, l’ironie, toutes les formes du rire qui est « le propre de l’homme ») pour déconstruire le discours de l’adversaire sans imposer soi-même une vérité oppressante ?

Enfin les féministes ont été entendues. Depuis longtemps, elles protestaient contre l’habitude des météorologistes de donner aux tempêtes et aux cyclones des noms exclusivement féminins (on dit même qu’ils choisissaient le nom de leur « petites amies »). C’était conforter le mythe de la femme fatale, dévastatrice, calamité naturelle, etc. Depuis le 1er décembre 2017, la mixité règne dans les perturbations. Il y aura autant de tempêtes femelles que d’ouragans mâles.

J’en connais un qui milite pour l’égalité entre les hommes et les hommes.

jeudi 1 mars 2018

Avis de grand froid


Scènes vues, à quelques minutes. Dans une station de métro, sur le quai d’en face, trois punks déshabillant un de leurs chiens d’un manteau rouge, puis le renfilant la tête d’abord, les quatre pattes l’une après l’autre, pas faciles à passer, le chien se laisse faire comme un enfant docile. En sortant du métro, le mendiant près de la boulangerie enlève le plaid de son dos pour couvrir ses deux chiens.

Si au moins il n’avait pas eu la mauvaise idée de mourir par temps de terre gelée, impossible à creuser, on aurait pu respecter sa dernière volonté d’être enterré, et surtout pas incinéré, ce qui au moins aurait réchauffé l’atmosphère.

Au matin, il avait neigé
Il n’y aura pas école
se dit le vieil homme
avec sa joie d’enfant