Obscénités journalistiques

Sur une chaîne d’infos en continu, un journaliste interroge la grand-mère d’un enfant franco-israélien kidnappé par le Hamas et qui ne fait pas partie des otages libérés. Il compatit à son « insupportable attente ».

Questions du journaliste :

— Quand vous avez vu les images des retrouvailles entre les otages libérés et leur famille, qu’est-ce que ça vous a fait ?
— Est-ce que vous espérez que ce sera pour aujourd’hui ?
— Chaque jour, vous retenez votre souffle en vous disant que votre petit-fils sera dans la liste ?
— Vous avez toujours l’espoir ?

Femmes et enfants d’abord

50 otages israéliens contre 150 otages palestiniens : le cours de l’Israélien est en forte baisse sur le marché des échanges, si l’on compare avec les 1.027 prisonniers palestiniens troqués contre un seul Israélien, le soldat Gilad Shalit. La valeur de l’Israélien moyen a chuté de 342%.

On est encore loin de l’équation une vie humaine = une vie humaine.

Ce sont des femmes et des enfants qui vont retrouver la liberté. On ne les voit pas beaucoup, les femmes, dans les actualités. Le cabinet Netanyahou : rien que des hommes en kaki et habits religieux noirs. Le Hamas, que des hommes. Poutine, Erdogan, l’Iran, l’Afghanistan, la Chine, où sont les femmes ? Elles sont otages, voilées et violées, cachées dans les tunnels. Ce sont des monnaies d’échange.

Les otages israéliens auront un visage. On va les voir à la télé. Les otages palestiniens ont déjà des noms pour les Israéliens qui peuvent faire appel de leur libération mais leur visage restera invisible.

L’info en continu

L’info court si vite qu’elle entraîne confusions de points de vue et lapsus.

Un journaliste de France Info ne connaît pas bien le sens des modes du verbe, à moins que son inconscient idéologique parle : « L’évacuation de l’hôpital Al-Shifa n’a pas été ordonnée par les autorités israéliennes mais elle aurait été demandée par le directeur de l’hôpital. » (France Info, 18 novembre 2023).

« Parti de Tel-Aviv pour réclamer la libération des otages, le cortège arrive à Jésuralem » (idem.)

En procédant à l’évacuation des blessés soignés à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, les soldats israéliens ont accompli le miracle de Jésus qui dit à un malade : « Lève-toi, emporte ton grabat et marche » (Jean, 5, 8).

Opinion, information

Médias d’opinion

L’armée israélienne a découvert dans le sous-sol de l’hôpital Al-Shifa de Gaza un centre de commandement du Hamas, des armes et une ficelle qui a servi à attacher des otages.

Le Hamas n’a jamais utilisé l’hôpital Al-Shifa pour cacher un centre opérationnel ni détenir des otages.

Médias d’information

L’armée israélienne dit avoir découvert dans le sous-sol de l’hôpital Al-Shifa de Gaza un centre de commandement du Hamas, des armes et une ficelle qui a servi à attacher des otages.

Selon le Hamas, l’hôpital Al-Shifa n’a jamais été utilisé pour cacher un centre opérationnel ni détenir des otages.

Humain, humanité

Quand une pause humanitaire a pu être observée, quand l’aide humanitaire est enfin arrivée, il n’y avait plus d’humains, et plus d’humanité depuis longtemps.

Quand la prison est devenue un cimetière, les morts ont enfin pu enterrer les morts.

Un enfant mort portait autour du cou une pancarte avec l’inscription : « je suis un humain, pas un bouclier. »

Dans notre numéro de demain, nous publierons un débat sur le conflit israélo-palestinien entre Sartre, Camus et Foucault. Il y avait longtemps que les grands philosophes ne s’étaient pas exprimés.

L’humour a des limites (suite)

Pierre Desproges : « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ».
Sybile Veil, présidente de Radio France : On peut rire de tout mais pas n’importe qui.

Le médiateur de Radio France : « Il faut savoir que la corrida, à l’image du conflit israélo-palestinien, du Front National, de la France insoumise, fait partie des sujets les plus clivants. » Surtout la corrida, d’ailleurs, qui oppose le taureau et le toréador, les places à l’ombre et les places au soleil.

Figaro l’avait dit avant le médiateur inspiré de Radio France : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs » (Le Mariage de Figaro, acte V, sc. 3).

Les critiques ont trouvé que le dernier film de Woody Allen, Coup de chance, était moins bon que les précédents. On attribue à l’âge du cinéaste (87 ans) cette baisse de régime. La raison est ailleurs : il n’ose plus l’humour juif.

 

L’humour a des limites

Le dimanche 29 octobre, dans l’émission de France Inter « Le Grand Dimanche soir », Guillaume Meurice, humoriste, a traité Benyamin Nétanyahou de « nazi sans prépuce ». Juif sans prépuce et nazi avec prépuce auraient été des pléonasmes, il restait l’oxymore, l’humour étant une affaire de rhétorique.

Sybile Veil, présidente de Radio France, n’a pas apprécié la figure de style. Elle le fait savoir : « Le service public n’est pas à la disposition des engagements individuels et des carrières personnelles. »

À l’usage des humoristes de toutes les radios publiques, elle a publié dans la foulée un décret encadrant la profession :

1. Au moment de leur embauche, les humoristes devront faire état de leurs engagements individuels et déposer un plan de carrière.

2. La veille de l’émission, les humoristes soumettront leurs blagues à la présidente de Radio France. Ils sauront une heure avant de prendre l’antenne si elle a ri.

3. Seuls les Juifs ont le droit de manier l’humour juif.

4. Seuls les Musulmans ont le droit de manier l’humour arabe.

5. Charline Vanhoenacker, animatrice de l’émission « Le Grand Dimanche soir », née à La Louvière, a seule le droit de raconter des histoires belges.

 

Eau, gaz, électricité

Après les tempêtes Ciaran et Domingos, les éleveurs français de poulets en batterie lancent un cri d’alarme : « Si le courant n’est pas rétabli dans les vingt-quatre heures, nos volailles vont crever ». On n’ose pas imaginer l’état des poulets de batterie élevés à Gaza.

Le gaz est coupé aussi. Le gaz coupé à Gaza, on dirait un mauvais jeu de mots, si les Gazaouis avaient encore le goût d’en faire, surtout qu’on peut également les appeler les Gaziotes.

L’eau aussi est coupée. Mais quand on regarde une carte de géographie, on voit qu’il leur reste la mer à boire.

 

Dialectique

À la fin, c’est le plus fort qui gagne, c’est-à-dire le plus bête.

Il est tellement bête que le vainqueur humilie le vaincu.

Le vaincu est vaincu pour le reste de ses jours, mais les enfants du vaincu grandissent dans la haine, le ressentiment, le désir de vengeance, pendant que les enfants du vainqueur prospèrent.

À la fin, c’est le plus faible qui gagne, c’est-à-dire le plus intelligent.

Terre promise, terre due

Les chefs de guerre sont tous de grands stratèges à la mine sérieuse qui expliquent, debout devant des cartes de géographie, que tout se passe comme prévu, selon un plan conçu à l’avance et suivi méthodiquement, et que les objectifs définis seront atteints le moment venu.

Comme les capitalistes ont voulu moraliser le capitalisme, les chefs de guerre revendiquent l’armée « la plus morale du monde », celle qui tue proprement au nom des valeurs du bien absolu.

Les deux peuples occupent le même territoire au nom de leur dieu qui les a élus et leur a promis une terre. Les organisations internationales trop humaines ne réussissant pas à mettre d’accord les colocataires, il serait temps que le Propriétaire Céleste réunisse le syndic pour arrêter les querelles de voisinage en rétablissant la bonne interprétation de ses divines paroles et en partageant équitablement les mètres carrés habitables.

 

Éradiquer

Le conflit entre Israël et le Hamas a mis fin à la guerre en Ukraine, du moins il n’en est plus question. De la même manière, les événements de cette région du monde ont éradiqué les punaises de lit en France, qui devenaient envahissantes avant le 7 octobre 2023.

Éradiquer l’ennemi, c’est littéralement l’arracher par la racine. D’où la nécessité d’aller le chercher sous terre, puis de le priver de sa terre.

Le Proche-Orient n’a jamais été si proche.

 

Banksy à Gaza

Assassiner les journalistes qui pourraient dire ce qui se passe : ainsi « personne ne témoigne pour le témoin » (Paul Celan).

Le mystérieux Banksy n’est pas encore intervenu sur les murs en ruines de Gaza, comme il l’avait fait en Ukraine. À moins qu’il soit à l’origine de l’étoile de David bleue peinte au pochoir sur des murs, dont on se demande s’il s’agit d’un tag antisémite ou d’un soutien au drapeau israélien.

Comment mieux dire la guerre que par ce conflit d’interprétations ?

 

Humanitaire

L’aide humanitaire, la trêve humanitaire, le couloir humanitaire ne s’appliquent qu’à des individus appartenant à l’humanité, et non à des spécimens du règne animal.

Les ennemis ne sont pas des hommes, mais des animaux. La preuve : il suffit de les enfermer et de les priver d’eau et de nourriture pour qu’ils se battent comme des bêtes et s’entredévorent comme des charognards.

L’armée procède à des frappes chirurgicales sur les hôpitaux, juste pour tuer les terroristes qui se cachent sous les blocs opératoires.