mardi 29 mai 2018

Dictionnaire des idées reçues – quatre entrées supplémentaires


Serge Dassault. Plus de 30 ans au service de la politique (France Info, 29 mai 2018).

Maliens. Tous les Maliens ont des dispositions pour devenir pompiers. Ont appris à escalader des façades à mains nues en grimpant aux cocotiers. C’est vaguement inquiétant : s’ils en profitaient pour nous cambrioler ? Paraissent humbles, pour la raison qu’ils ne parlent pas bien le français. Tolérables s’ils sont des héros.

Héroïsme. Chaque citoyen doit accomplir dans sa vie un acte d’héroïsme, même involontaire, sous peine de déchéance de nationalité.

Luc Besson. C’est étrange comme il ressemble physiquement à Harvey Weinstein depuis quelques jours : joufflu, cheveux ras, mal rasé.

dimanche 27 mai 2018

La belle mort de Bellemare


Quand une personne connue disparaît, on ressort du frigo sa réponse à la question qui termine toutes les interviews des gens un peu âgés (il y a quelque temps, c’était obligatoirement une Radioscopie de Jacques Chancel) : « Et la mort ? ». La question était encore plus dirigée : « Qu’est-ce que vous souhaitez qu’on dise de vous quand vous serez… disparu ? »
Bellemare, de sa belle voix déjà d’outre-tombe, joue au modeste : « Oh moi, je ne suis pas important, je suis un raconteur d’histoires, alors j’aimerais qu’on rediffuse une histoire extraordinaire, extraordinaire mais vraie, et cette histoire revivrait par ma voix. »
En respect de ces dernières volontés, on s’attend donc à un bout d’histoire, avec cette voix « reconnaissable entre toutes », cette voix qui dramatisait les faits divers insignifiants. Au lieu de ça, on entend le marteau enfoncer le premier clou du couvercle : « Pierre Bellemare fut aussi le créateur de télé-achat. »

dimanche 20 mai 2018

Affaires


Affaire Seznec. Enfin, l’os retrouvé dans son jardin a parlé. C’est bien Guillaume Seznec qui a tué le bœuf. L’enquête est rouverte.

« Les riches, ils n’ont pas besoin d’un président, ils se débrouillent très bien seuls » (Emmanuel Macron, président, 12 avril 2018). Les pauvres ont appris à se débrouiller tout seuls aussi, et s’ils ont de nombreux besoins, ils ont renoncé depuis longtemps à celui d’un président.

La Palme d’or de la bêtise indécente revient à une publicité de la Fondation Abbé Pierre : à la radio, on y entend un pauvre, la voix cassée par la rue, supplier un riche de lui faire l’aumône, avec cet argument : « Réduisez votre impôt sur la fortune immobilière. Merci. » Sur l’image, le pauvre à tête de l’emploi arbore une pancarte impeccablement calligraphiée. Voilà un pauvre bien informé des dernières dispositions fiscales, et qui sait prendre les riches par les sentiments. Reviens, l’Abbé, le dos des publicistes de ta Fondation mérite ta canne !

samedi 12 mai 2018

G. G.


Après Postscript, qui suivait Épilogue, qui suivait Apostille, qui suivait Codicille, qui suivait Bardadrac, Gérard Genette décida que le vocabulaire ne lui offrait plus d’autre mot pour ajouter un livre supplémentaire, sauf à publier un Posthume, qui viendra peut-être, et avec cette élégance ironique qu’on lui connaît, il tira sa révérence.

La longue phrase enveloppée de Genette se réfléchit constamment, dans la distance de l’intelligence et de l’humour.

On l’accusa de jargon, de formalisme. Rien de plus clair cependant que cette démarche qui fuit les à-peu-près et crée à mesure ses propres instruments en les expliquant, et touche au fond par l’analyse des rapports entre les éléments, ce qui est la définition du structuralisme.

Lors d’un entretien pour le Magazine littéraire (n° 328, janvier 1995), mon rudimentaire magnétophone à cassettes émis un son aigu. Genette eut un sursaut qui me parut exagéré. Je trouve l’explication dans l’un des livres bardadresques : il souffrait d’hyperacousie. Je m’en veux de lui avoir abîmé l’oreille, qu’il avait si musicienne.

Qu’on le considère comme écrivain à partir de Bardadrac lui inspirait des réflexions amères et cinglantes : écrivain, il l’était dès le premier recueil d’essais. Avec Barthes, il a contribué à brouiller la frontière entre critique et littérature. À la réflexion, je me demande s’il n’aurait pas dû pousser l’analyse jusqu’à faire apparaître cette différence indépassable : le critique a toujours un objet, alors que l’écrivain avance à l’aveugle, sur rien, sans garde-fou.

Sollicité pour participer à un volume ludique de Lettres à Flaubert (Thierry Marchaisse, 2017), G. G. envoya ce billet, d’une belle écriture élancée : « Merci de votre invitation, mais comme Gustave ne répond jamais à mes lettres… »

samedi 5 mai 2018

Sexe, sexuel, sexisme


Médecins sans frontières reconnaît « 24 cas de harcèlement ou abus sexuels en son sein ». Certains harceleurs s’en prennent aussi à d’autres parties de l’anatomie.

Et toujours pas une seule plainte d’homme pour harcèlement sexuel. Ce qui prouve bien la différence des sexes.

Un « célibataire involontaire », dont les avances ont été repoussées par les dames, jette sa voiture dans la foule. Parmi les morts, statistiquement, sans doute quelques « célibataires involontaires » comme lui, malheureux en amour, mais désireux de vivre encore. La cible adaptée, sans vouloir donner des idées, eût été un rassemblement de célibataires sur la route du bonheur, un cortège de mariage, un speed dating, la foire nationale du célibataire à Mézériat (département de l’Ain), sur la place du Marché, etc.

En raison d’un scandale sexuel, le prix Nobel de littérature ne sera pas attribué cette année. La portée de cette annulation est moindre si l’on songe que c’était le tour d’une femme. Les écrivain.e.s qui n’auront jamais obtenu le prix pourront dire que leur nom figurait sur la liste de 2018.

mardi 1 mai 2018

Langue


Le banquier avait ouvert un compte en Suisse sous un nom d’emprunt.

Entendu à la radio : « On va remettre les choses à plat et toutes les cartes seront sur la table. »

Une petite fille, passant sur un trottoir : « Mamy, elle est plus vieille que maman et elle est même pas toujours morte. »

Il trouvait Armstrong assez mauvais. Peut-être se trompait-il.

Les faucons seraient moins dangereux si parmi eux ne se glissaient autant de vrais.

C’est beau les coquillages, mais quand on pense que ce sont des squelettes.

Pourquoi le mot « exemple » a-t-il une forte tendance à se répéter, après l’expression « par exemple » ? « Par exemple, on peut citer l’exemple… » L’exemple ne peut s’empêcher de se donner en exemple.