lundi 16 avril 2018

Théâtre du monde


Une spectatrice félicite un acteur qui joue un personnage bégayant : « J’aimerais bien perdre mon latin avec vous. »

Sur scène, on joue à représenter des rapports de pouvoir : hommes / femmes ; maîtres / valets ; bourgeois / domestiques. Mais en coulisses, les acteurs amateurs oublient les hiérarchies de la vie réelle et les neutralisent dans la communauté du jeu. Deux lectures possibles : ou bien l’illusion théâtrale conforte la dure loi sociale qui se rétablit à la sortie du théâtre (version Rousseau dans sa Lettre à l’Alembert sur les spectacles) ou bien : la preuve qu’une société égalitaire est possible, regardez des acteurs derrière la toile. Il suffirait de transposer sur la scène du monde les liens horizontaux qui se nouent dans la troupe.

Les puissants inspirent la terreur, comme des monstres shakespeariens : ce qui est nouveau, c’est qu’ils cumulent à la fois les rôles de bouffon et de tyran. Il faut remonter à Néron.

1°. Commettre un acte dans la réalité, par exemple un meurtre, par exemple un meurtre de masse.
2°. Déclarer que ce meurtre a été mis en scène par ceux qui le dénoncent. D’ailleurs, si nous l’avions commis, on peut nous faire confiance, on n’aurait pas loupé la cible. Là, pardon, mais c’est du travail de simulateurs, ni fait ni à faire.
3°. Boucler les abords du site, arriver le premier sur zone, effacer ici, ajouter là, modifier la disposition du décor, bouger les corps. Vous disiez ?

dimanche 15 avril 2018

Écrire


Chateaubriand se promettait de revenir chez les vivants corriger les épreuves des Mémoires d’outre-tombe. Ce serait rapide car, disait-il, « les morts vont vite ». Michel Foucault a pourtant pris 34 ans pour terminer le tome IV de son Histoire de la sexualité. Son éditeur annonce qu’il prépare le tome V et dernier, pourvu d’appendices, des notes et des brouillons des quatre précédents.

Mort de Jean Salem. Dans sa rubrique nécrologique publiée par Le Monde (19 janvier 2018), on apprend que son père, Henri Alleg, a écrit La Question, alors qu’il était détenu, « sur des feuilles de papier hygiénique qu’il parvient à faire passer à ses avocats ». Ses tortionnaires avaient négligé de le priver de ce support d’écriture.

Dissolution de la notion de genre, constatée dans la manière désinvolte dont Télérama indexe les films. Des gens sans importance d’Henri Verneuil (1955) : « Genre : comédie humaine et prolétaire ». La Règle du jeu : « Genre : Indépassable ». Les Demoiselles de Rochefort : « Genre : mélodie du bonheur ». Un genre sert à classer, à comprendre les individus dans une espèce. Si chaque film relève d’un genre particulier, qui n’appartient qu’à lui, alors la notion de genre disparaît. Triomphe de la singularité irréductible. On perd le collectif : ce qui permet de com-prendre.