samedi 28 septembre 2019

Lubrizol, Rouen


Depuis que les autorités ont annoncé que le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière de la France le 30 avril 1986, et qu’il ne présente aucun risque pour la santé, comment ne pas accorder foi aux discours qui visent à tranquilliser les populations.

Les autorités se veulent rassurantes.


Les communiqués officiels n’indiquent pas le niveau des substances toxiques, mais la dose d’informations anxiogènes que la population peut supporter.

« Les résultats dans l’ensemble n’ont pas fait apparaître de toxicité aiguë ». Donc, on ne mourra pas demain. Mais dans 10 ans, dans 20 ans, quand il sera impossible d’établir un lien de causalité, que l’entreprise aura fait faillite ou qu’elle aura changé de nom.


Un député invite en même temps les inactifs à rester chez eux et les travailleurs à sortir travailler, aucun risque, pour éviter que la production s’en ressente. Dans un monde de flux, la crainte c’est la paralysie de la vie urbaine en raison d’un accident majeur.

La Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Normandie) estimait le risque d’accident pouvant entraîner un incendie à une périodicité assez confortable : « au maximum une fois tous les 10 000 ans ». On peut donc prévoir avec une certitude mathématique que le prochain incendie à l’usine Lubrizol de Rouen aura lieu le 26 septembre 12 019.


Il est curieux que ceux-là mêmes qui prêchent le principe de précaution ne prennent aucune précaution avec leurs principes.

11h58 : alors que le ministre Castaner s'apprête à prendre la parole pour faire un point-presse sur l'incendie de Lubrizol, on apprend que Chirac est mort. Définitivement, il ne se baignera pas dans la Seine, à Rouen, ce jeudi 25 septembre 2019.



dimanche 8 septembre 2019

Yann Moix

Niort dans Sérotonine de Michel Houellebecq, Orléans dans Orléans de Yann Moix : les villes moyennes de province prennent cher dans la littérature, en ce moment.

On a tellement parlé du livre de Yann Moix qu’on peut se dispenser de le lire.

Victime ou bourreau, là est la question : le père, les deux frères. Baudelaire introduit dans Les Fleurs du mal une autre catégorie, un mot grec impossible à écrire et à prononcer : L’Héautontimorouménos. Traduction : le bourreau de soi-même. 
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Il semble bien que Yann Moix appartienne à cette catégorie du bourreau de soi-même, et qu’en passant à l’écriture, il confonde les formes réfléchies, actives et passives du verbe.

La pire violence que puisse exercer un écrivain consiste à faire disparaître une personne du livre où il aurait dû normalement trouver sa place. Ainsi de Yann Moix qui efface la présence d’un frère. C’est cette absence même qui est l'indice du mauvais traitement.

À l’appel de son nom, le petit Yann Moix entendait Y’a Moi, Y’a Moi. Comment un autre pouvait-il exister ?

Grâce au genre de l’autofiction, l’écrivain gagne sur les deux tableaux, l’auto et la fiction. Il écrit « roman » sur la page de titre, mais dans les interviews, il parle à la première personne en assumant le « pacte autographique », c’est-à-dire le contrat de vérité qui établit l’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage principal : Yann Moix raconte l’histoire de Yann Moix, et il persiste et signe Yann Moix sur la couverture. L’accuse-t-on d’affabuler, il se retranche derrière le contrat de confiance de l’autobiographie ; lui reproche-t-on de laver son linge sale en public ou sa propre famille le menace-t-elle d’un procès qu’il brandit l’étiquette « roman ». L’autofiction lui ménage deux portes de sortie.