Une page qui se tourne

Alors qu’on lit de moins en moins de livres physiques, avec des pages qu’on feuillette au doigt mouillé ou que le vent soulève, l’expression « tourner la page » n’a jamais été aussi souvent employée.

Le gouvernement Borne veut « tourner la page » de la réforme des retraites.

Le 5 mai 2023, l’OMS a « tourné la page du Covid-19 » en annonçant la fin de l’alerte maximale sur la pandémie.

Vladimir Poutine a félicité le groupe Wagner et l’armée russe pour la « libération » de Bakhmout : une page s’est tournée.

Mais les syndicats ont placé une marque-page dans le livre ; le virus rôde entre les feuilles et de Bakhmout, il ne reste rien.

On a entendu cette formule étrange dans la bouche du président Macron : « La parenthèse est tournée. » Entre tourner la page et fermer la parenthèse le risque, c’est qu’il n’y ait plus de livre du tout, comme à Bakhmout.

Des terroristes au Panthéon

Michel Manouchian va entrer au Panthéon quatre-vingt ans après avoir été fusillé par l’occupant nazi : résistant, il était accusé de terrorisme.

Alexeï Navalny purge une peine de neuf ans de prison. Opposant, il appartient au groupe des terroristes et de extrémistes. Quelques années après la chute de Vladimir Poutine, il entrera au Panthéon des héros russes.

Un jour viendra où les manifestants du soulèvement de la terre entreront là où c’est écrit « Aux grandes hommes (et aux grandes femmes) la Patrie reconnaissante ». La Patrie, le Monde, la Planète. Le Malraux enroué qui prononcera le discours d’éloge rappellera que le pouvoir d’alors les appelait éco-terroristes.