dimanche 31 juillet 2022

Le narratif poutinien, 92. La démocratie, le pire des régimes

Sur un autre cahier, un peu plus grand que le petit format réservé aux pensées intimes, le tsar Vladimir premier consigne ses réflexions sur l’Occident décadent. Extraits choisis.

La démocratie est une fiction, citée en exemple par l’Occident quand il fait la leçon aux régimes qu’il déclare autoritaires, alors qu’ils sont solides comme une pyramide avec une base large et une seule tête au sommet.

Où voit-on une police qui s’excuse d’avoir fait une erreur, un chef spirituel qui demande pardon pour le mal commis, un ancien colonisateur qui se repent auprès des peuples colonisés ? Les Forts ne s’excusent jamais, ils écrasent.

Les régimes démocratiques sont faibles parce qu’ils ont des comptes à rendre à l’opinion. Les régimes forts font l’opinion.

Trois pouvoirs indépendants, des partis politiques qui se combattent, des présidents qui doivent laisser leur place au bout d’un ou deux mandats, des gens qui discutent, des médias qui ne disent pas la même chose, et après les Occidentaux prétendent parler d’une seule voix.

En Russie, les seules divisions[1] se comptent en centaines de milliers de soldats et en chars, dans la glorieuse armée.

Sur l’Occident décadent, le tsar est intarissable. Son grand cahier est couvert de phrases écrites dans tous les sens.

[1] En français dans le texte (Note du traducteur).

vendredi 29 juillet 2022

Le narratif poutinien, 91. Principes d’action

Sur un petit carnet qui tient dans la poche, le tsar Vladimir premier écrit ses pensées intimes, quand ses hautes fonctions lui laissent une minute. C’est un document classé « secret défense » dont nous avons pu avoir communication, à titre exclusif. Voici quelques-unes de ces maximes, précieuses pour comprendre les principes qui guident l’action du tsar.
Décide ce qui te plaît, et après tu verras ce qui se passe.

Dans ton combat contre le monde, aide le monde à se détruire.

L’important n’est pas ce que fait le chef, mais que le peuple pense que c’est bien.

Faire peur et créer les dépendances qui rendent l’ennemi impuissant, tout est là.

Nous vaincrons parce que nous sommes la mort. 
Comme on le voit, le tsar agit en cohérence avec ses idées.

lundi 25 juillet 2022

Le narratif poutinien, 90. Bombe à fragmentation

Dans son chapeau haut-de-forme recouvert de peau d’ours, le tsar Vladimir premier a disposé des petits papiers sur lesquels il a écrit une série de messages. Après chaque frappe d’un objectif ukrainien, il tire l’un après l’autre les papiers au hasard, et il envoie les messages à l’agence officielle de communication, qui les diffuse à vingt-quatre heures de distance, en changeant les noms du lieu de la frappe. D’un bombardement à l’autre, les mêmes messages s’enchaînent dans un ordre qui peut varier. Voici par exemple le narratif qui a suivi le bombardement du port d’Odessa, finalement assez logique dans le déroulement des faits.

Premier papier : Les Ukrainiens prétendent que les Russes ont bombardé le port d’Odessa. Ils prennent à témoin le monde entier, crient à la trahison, etc. Le médiateur turc s’étonne de la décision russe, au lendemain de l’accord sur l’exportation du blé.

Papier 2. Les Russes affirment ne pas avoir bombardé le port d’Odessa. Le médiateur turc confirme.

3. Ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui ont bombardé leur propre port pour faire croire etc. Variante : ils visaient une cible russe mais leurs armes sont très imprécises.

4. Les Russes revendiquent le bombardement à Odessa, mais ils ont visé uniquement des cibles militaires. Les bâtiments civils ont pris feu parce qu’ils jouxtaient les entrepôts de munitions et les casernes de soldats.

5. Les Russes font valoir que le bombardement du port d’Odessa n’empêche en rien la sortie des navires chargés de blé : les bombes tomberont à côté.

dimanche 24 juillet 2022

Le narratif poutinien, 89. À la russe

Pour se délasser au cœur de l’été, le tsar Vladimir premier apprend les langues vivantes des pays européens, ayant retenu de César (La Guerre des Gaules) que le conquérant doit pouvoir communiquer avec les peuples dominés. Avant que le russe devienne la langue officielle de l’Europe, il y aura un temps où les langues cohabiteront.

Le tsar parle couramment l’allemand. Il se met au français, en commençant par les expressions où se trouve le mot « russe ».

1. Montagnes russes : technique qui consiste à donner le tournis en enchaînant les montées et les descentes, les hauts et les bas, le chaud et le froid, pour faire peur aux passagers qui croyaient s’amuser.
2. Roulette russe : « jeu de hasard potentiellement mortel consistant à mettre une balle dans le barillet d'un révolver, à tourner ce dernier de manière aléatoire, puis à pointer le revolver sur sa tempe avant d'actionner la détente » (Wikipédia). On peut aussi pointer le revolver sur la tempe d’un Européen et actionner la détente autant de fois que nécessaire.
3. Boire à la russe : vider son verre cul sec, et le jeter par terre. On entend derrière soi un grand bruit de verre brisé.

samedi 23 juillet 2022

Le narratif poutinien, 88. Trois bonnes nouvelles au 150e jour

En sortant de la piscine de son Palais avec vue sur la mer Noire, le tsar Vladimir premier a appris plusieurs nouvelles qui ont dissipé d’un coup ses récentes fatigues de dirigeant très occupé.

Premièrement, la Suisse refuse de soigner les blessés ukrainiens, en qui elle voit des combattants en puissance. Ce pays neutre n’accueille que l’or du tsar, sa maîtresse aussi bien cachée que son or, et ses enfants non déclarés, dont un fils, qui n’est pas un combattant en puissance puisque son père se gardera de l’envoyer au front.

Deuxièmement, les Russes et les Ukrainiens ont signé un accord pour faire sortir les céréales du grenier à blé, mais sur des documents séparés : on n’allait quand même pas mettre la main sur le même papier. La convention paraphée par le représentant russe comportait une clause secrète qui ne figurait pas sur l’autre : les Ukrainiens donnent le blé et les Russes ramassent le blé (en français dans le texte). D’autre part, ces naïfs assis autour de la table n’ont pas vu que la Russie signait de la main droite la sortie des bateaux, et que la main gauche, restée libre, actionnait le bouton du lance-missile, pointé en direction du port d’Odessa. Le premier bateau chargé de blé qui sortira sautera sur une mine, dont il sera facile de dire qu’elle a été posée par les Ukrainiens pour faire croire que les Russes sont responsables.

Troisièmement, la République tchèque commence à détruire un élevage de porcs, construit sur le site d’un ancien camp de concentration où les nazis ont exterminé des roms. Cet élevage de porcs est le bienvenu dans la partie libérée de l’Ukraine, où de vastes espaces au sol récemment remué se prêtent à ce type d’exploitation agricole.

mercredi 20 juillet 2022

Le narratif poutinien, 87. Mégafeux

Prenant quelques jours de vacances bien mérités dans son complexe de repos du cap Idokopas, avec vue sur la mer Noire, le tsar Vladimir premier a regardé sur grand écran les mégafeux qui détruisent une partie de la forêt française.

Ces feux sont en tous points similaires à ceux qu’allument volontairement les paysans ukrainiens dans leurs champs de blé pour affamer le monde. Il est évident que cette tactique de la forêt brûlée est utilisée par l’armée du clown Zelensky, qui envoie des bombes incendiaires loin vers l’ouest dans le but 1) d’accuser la Russie 2) de détourner l’attention 3) de chasser les populations vers l’est afin qu’elles s’enrôlent dans l’armée ukrainienne.

Le tsar Vladimir compatit à cette situation et il conseille fortement à tous les pays d’Europe et aux USA de convertir leurs avions militaires en bombardiers d’eau, pour faire barrage à l’agression des pyromanes ukrainiens.

mardi 19 juillet 2022

Le narratif poutinien, 86. Anéantir

Six mois après sa sortie en France, le dernier roman de Michel Houellebecq a été traduit en russe, sous le titre уничтожить. Pour se délasser, entre deux ordres de bombarder des écoles et des hôpitaux où se cachent des Ukrainiens soldats ou qui pourraient le devenir, le tsar Vladimir premier a demandé au ministre de la Culture de lui résumer le livre.

Il avait entendu dire que Houellebecq anticipait les événements à venir dans ses fictions. Ainsi, il avait prévu les attentats islamistes, les gilets jaunes, enfin des choses dans ce genre-là. Anéantir, c’était un titre prémonitoire pour l’intervention militaire spéciale de la Grande Russie contre les Nazis de l’Ouest. Même pas : dans le roman, il n’est question que de l’anéantissement individuel d’un personnage qui se meurt d’un cancer. La seule chose que le roman annonce, c’est le scandale des maisons de retraite.

Ah si, quand même, Houellebecq parle de la décadence de la civilisation et du Vieux monde : « Même des dirigeants aussi autoritaires et déterminés que le général de Gaulle s’étaient montrés impuissants à s’opposer au sens de l’histoire, l’Europe dans sa totalité était devenue une province lointaine, vieillissante, dépressive et légèrement ridicule des États-Unis d’Amérique. » Là, c’est un vrai voyant qui parle et il a senti le « sens de l’histoire », qui vient de l’Est.

Mais dans l’ensemble, la star mondiale de la littérature française, traduit dans toutes les langues, sauf l’ukrainien qui n’existe plus, a perdu de sa force de prédiction, il est devenu trop sentimental, trop tendre et ramolli avec l’âge. Le tsar Vladimir lui a écrit pour lui proposer le sujet de son prochain roman, un sujet prophétique sur l’avenir de la civilisation.

lundi 18 juillet 2022

Le narratif poutinien, 85. Dans les étoiles

Le tsar Vladimir premier a décoré de l’ordre du tsar Vladimir les trois cosmonautes qui ont déployé à bord de l’ISS les drapeaux des deux Républiques de Donetsk et de Longansk, récemment libérées par les forces russes.

Quand ils sont arrivés en mars dernier à bord de la Station spatiale internationale, les cinq cosmonautes étaient revêtus de combinaisons jaunes et bleues. Trois d’entre eux ont donc changé de couleur. On est sans nouvelle des deux autres Russes, pas plus que des cinq occupants qui complètent la station, quatre Américains dont une femme, et un Allemand.

Sous la photo des drapeaux et des porte-drapeaux, la légende dit : « Nous célébrons à la fois sur Terre et dans l’espace. »

Maintenant que les drapeaux des Républiques pro-russes flottent à 400 km de la Terre, le tsar Vladimir a décrété l’annexion et la russification de l’espace, conformément à sa nouvelle devise cosmique : « On ira les buter jusque dans les étoiles. »

Oleg Artémiev, Denis Matvéïev et Sergueï Korsakov


dimanche 17 juillet 2022

Le narratif poutinien, 84. Céline, Guerre (pages inédites, suite 2)

Il en a vu d’autres, le Ferdinand qui vous parle, des pires à raconter qu’on ne peut même pas croire que c’est vrai, et pourtant, c’est la vraie vérité. Même qu’il pourrait dire, le Ferdinand, comme le peintre Goya des désastres : « Yo lo vi », si le Ferdinand avait pas perdu son latin après tout ce qu’il a enduré.

Ils crevaient de faim, les jeunes qu’on envoyait là où ils ne savaient pas, avec des mini-rations périmées depuis dix ans, parce que les fraîches ne dépassaient pas les gradés qui les gardaient pour eux et pour leur famille, et le reste ils les vendaient aux civils à l’arrière.

Quand ils ouvraient les boîtes de ration, ça sentait le décomposé. Nourrissez-vous sur la bête, qu’ils disaient les gradés à ceux qui se plaignaient, et la première chose qu’ils faisaient, après avoir tué tous les hommes qui bougeaient et violé les femmes qui ne bougeaient plus, c’était de vider les frigos.

Même qu’ils mangeaient à côté des cadavres, ça ne les dérangeait pas, ventre affamé n’a pas d’oreille, et pas de nez non plus ; ils enfonçaient leur groin dans la gamelle et attrapaient avec les doigts, et se remplissaient comme des tonneaux, parce qu’ils ne savaient pas quand ils trouveraient un autre frigo plein. Et là-dessus, ils s’arrosaient avec de la mauvaise vodka de contrebande, qu’ils s’endormaient après comme des cochons.

C’est comme ça qu’on les transperçait, tellement ivres morts qu’ils ne sentaient pas le couteau qui les envoyait dormir tout à fait.

vendredi 15 juillet 2022

Le narratif poutinien, 83. La stratégie HQ8270

Depuis qu’il a adopté le rasoir à double lame, le tsar Vladimir premier (dont certains Occidentaux malveillants disent qu’il est imberbe) s’en inspire pour enseigner la stratégie à ses armées.

Le rasoir électrique Philips HQ8270 est doté de la technologie révolutionnaire appelée « Super Lift & Cut », qui se caractérise par une double lame : la première redresse les poils et la seconde les coupe au plus près.

La nouvelle stratégie de l’intervention militaire spéciale dans le pays qui s’obstine contre l’évidence historique à revendiquer le nom d’Ukraine met en œuvre la double lame : d’abord raser et ensuite russifier.

La tactique HQ8270 s’applique également aux récoltes de céréales : moissonner le blé et le maïs semés par les paysans ukrainiens, puis les vendre en roubles.


jeudi 14 juillet 2022

Le narratif poutinien, 82. Fêt’ nat’

En ce jour de fête nationale française, le tsar Vladimir premier n’a pas eu à décliner l’invitation du président Macron dans la tribune officielle, puisqu’il ne l’a pas reçue.

Il a donc regardé la cérémonie à la télévision. La place de la Concorde paraît bien petite à côté de la place Rouge. Le défilé des troupes à pied, les véhicules blindés légers, les spécimens des Griffons, Jaguars et CAESAr, clairsemés dans le ciel ou sur le pavé, font petit jeu dans une cour de récréation, en comparaison du Jour de la Victoire le 9 mai.

Le tsar a fort apprécié que le bouffon Zelinsky ne prenne pas la parole en tee-shirt kaki sur un écran géant installé au pied de l’Arc-de-Triomphe, et que le président Macron ait parlé du Donbass comme d’une « région contestée ».

Le tsar répondra à l’invitation officielle lancée en 2024 pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Les athlètes issus de l’ex-Ukraine pourront concourir sous les couleurs russes, et ils courberont la tête pour recevoir leur médaille au son de l’hymne russe.

mardi 12 juillet 2022

Le narratif poutinien, 82. Mon combat

Au 139e jour de l’opération spéciale visant à libérer l’Ukraine de l’envahisseur ukrainien, le tsar Vladimir premier s’est brusquement rendu compte qu’il n’avait pas écrit de livre.

Certes, il restera dans l’Histoire en raison de ses hauts faits, sa pêche à la truite, sa chasse aux cerfs, et ses actes héroïques, qui suffisent à sa gloire, mais il serait bon qu’a l’exemple des grands hommes il laisse une trace écrite pour la postérité, pérennisant la hauteur de ses actes par la profondeur de sa pensée.

Il est vrai que le recueil de ses discours, ainsi qu’une anthologie de ses bons mots, constitueront un ensemble édifiant pour les générations à venir.

Mais les illustres dirigeants dont il rejoindra le Panthéon peuvent se prévaloir d’une bibliographie. Les œuvres complètes de Lénine totalisent 30 820 textes ; Staline vient derrière avec 16 volumes ; Mao Zédong est l’immortel auteur du Petit Livre rouge.

Le titre Mon combat est déjà pris par le bestseller d’Adolf Hitler. Mais la traduction du titre en russe n’est pas protégée par le droit d’auteur, Моя борьба. Le tsar doit rencontrer dès demain son historiographe officiel.

lundi 11 juillet 2022

Le narratif poutinien, 81. Céline, Guerre (pages inédites, suite 1)

Je l’avais dit, au dernier feuilleton, que je raconterais ce que j’ai vu, tout ce que j’ai vu, même si c’est pas des choses à dire. La putain de guerre, on a pas les mots pour décrire, mais le pire, c’est ce que ça fait remonter du fond de l’homme, tous les remugles des tripes qu’on imagine pas, les dessous du cœur et les égouts de l’âme, enfin tout ce qu’on arrive à cacher en temps de paix, quand on a pas l’occasion de montrer ce qu’on est vraiment.

On en était resté aux petits soldats russes qui descendent des camions zébrés avec un Z sans savoir où ils sont. Ils sont passés avant entre les mains des capos qui les bizutent à mort pour leur endurcir le tempérament, qu’ils disent, et à mort ça veut dire des fois à mort pour de bon, jusqu’à ce que mort s’ensuive, pour voir s’ils sont des hommes. Alors ceux qui en sortent, ils sont fin prêts à torturer à leur tour pour rien, par vengeance de ce qu’on leur a fait subir, et parce qu’ils ne savent faire que ça, cogner, ce qu’on leur a appris sur leur dos, et qu’ils retournent sur les autres.

Ils arrivent sans rien qu’un barda tout maigre, alors ils se paient sur l’habitant, tout ce qu’ils trouvent, même du linge sale à côté des machines à laver, les brosses à dents qui ont déjà servi, dans les maisons éventrées. Faut pas humilier les Russes, que Ferdinand a entendu d’un président, c’est sûr, ils savent le faire tout seuls, s’humilier. Mais peut-être qu’ils savent plus ce que les mots veulent signifier, même humilier, ils savent plus, à force de creuser toujours plus bas que terre, là où fouillent les taupes et les groins des cochons.



dimanche 10 juillet 2022

Le narratif poutinien, 80. Bilan carbone

Après avoir pris connaissance du dernier rapport rendu par le GIEC sur l’urgence climatique, le tsar Vladimir premier tient à attirer l’attention des experts du monde entier sur le bilan désastreux de la guerre menée par les Ukrainiens.

La nature souffre beaucoup. Les missiles réchauffent l’atmosphère, ainsi que la crémation des cadavres. Les usines bombardées libèrent des produits toxiques pour l’air et pour l’eau. Les ruines à évacuer et les villes à reconstruire, même si elles suivent des normes environnementales zéro pollution et à énergie positive, ont un impact certain sur la planète.

On voit même des paysans pratiquant la tactique de la terre brûlée en incendiant volontairement les récoltes de blé et de maïs pour augmenter l’effet de serre.

L’Allemagne est contrainte de remettre en marche des centrales au charbon, et c’est très mauvais pour la santé des Européens.

Il serait préférable que l’Otan convertisse ses avions militaires en bombardiers d’eau pour lutter contre les incendies occasionnés par la montée des températures consécutives à l’usage des armes offensives occidentales.

Si l’Europe reste indifférente aux pertes humaines qu’elle provoque, elle pourrait au moins se montrer sensible à la destruction de la nature.



samedi 9 juillet 2022

Le narratif poutinien, 79. Choses sérieuses

Depuis son fauteuil en majesté, au milieu d’un grand tiers de cercle vide, et face à ses sujets qui l’écoutent en rond (une seule femme, en bleu), le tsar Vladimir premier a fait savoir au monde que « les choses sérieuses » vont commencer maintenant.

Jusqu’à présent, le monde n’a encore rien vu. C’était un lever de rideau, des escarmouches d’opérette, une simulation avec des figurants qui se relevaient après les tirs à blanc et lavaient la sauce tomate qui imitait le sang. Les soldats de l’armée de libération courtisaient avec respect des femmes consentantes.

Mais là, depuis que les spectateurs ont entrepris d’intervenir dans le spectacle pour perturber son bon déroulement, on va voir ce qu’on va voir, de vrais missiles avec de vraies ruines et de vrais morts, des soldats neutralisés et faits prisonniers, en respectant, bien entendu, la Convention de Genève sur les lois de la guerre.

Après les « choses sérieuses » qui occupent en général plusieurs actes de la pièce, peut venir la « catastrophe », le moment au théâtre où tout bascule. Mais le tsar assure qu’on n’est pas encore là. Il suffit que les spectateurs demandent à la victime d’arrêter de se débattre et qu’elle se soumette au bourreau.



mercredi 6 juillet 2022

Le narratif poutinien, 78. Bojo

Dans sa grande magnanimité, le tsar Vladimir premier a fait savoir, via l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Russie, résidant rue du Donbass libéré, qu’il proposait d’accueillir Boris Johnson après sa destitution.

Le tsar veut bien passer par-dessus les moqueries du premier ministre britannique, son soutien à l’ex-Ukraine, ses propos inamicaux sur l’intervention de l’armée de libération russe, qu’il met sur le compte de l’alcoolisme et de l’homosexualité. Le tsar propose à l’exilé de prendre le poste convoité de bouffon du tsar.

Venant du pays de Shakespeare, Boris Johnston pourra parfaitement remplir ce rôle. Il pourra conserver sa coiffure, et son nom de scène de Bojo. Il aura droit de tout dire au tsar, conformément au statut de bouffon, à condition de faire rire. Bojo n’ignore pas le châtiment réservé au bouffon qui ne fait pas rire.

Le tsar a déjà passé commande d’un numéro de cirque sur la démocratie occidentale.

En remerciement, le tsar invitera de temps en temps son bouffon à des séances de musculation, dans sa salle de sport privée.




 

mardi 5 juillet 2022

Le narratif poutinien, 77. Dynastie

Si le tsar Vladimir premier ne sourit jamais, c’est qu’il est concentré sur l’objectif qu’il s’est fixé et que lui seul connaît, mais aussi qu’un tourment le hante depuis de longues années. Il n’a pas de descendant mâle, et il est inquiet pour l’avenir de la dynastie.

Son épouse lui a donné deux filles, Maria et Ekaterina. Elles sont belles et fortunées, mais ce ne sont pas des héritiers. Une femme de ménage, pourtant issue du peuple, n’a pas fait mieux : encore une fille, Elizaveta. Elle a été répudiée. Le tsar entretient le mystère au sujet de sa descendance avec l’acrobate Alina, deux enfants, trois enfants, quatre enfants, dont un mâle, et peut-être même des jumeaux, mais ils sont si jeunes que leur père voudrait hâter leur croissance pour qu’ils montent très vite sur le trône de la Petite Russie, ex-Ukraine, après qu’elle aura été entièrement rasée et russifée.

Ce qui ronge aussi le tsar Vladimir, c’est le traumatisme de sa gymnaste privée de nourriture parce que son entraîneuse la jugeait trop grosse. Penser que son Alina n’a pas mangé de caviar à sa faim pour devenir la femme la plus souple du monde lui donne encore les larmes aux yeux. Et pourtant, le tsar Vladimir sait contenir ses émotions.

dimanche 3 juillet 2022

Le narratif poutinien, 76. Tour de France 2023

Le Tour de France 2022 étant parti du Danemark, le tsar Vladimir premier a proposé au directeur de la Grande Boucle que l’édition 2023 s’élance depuis Donetsk, la capitale du Donbass.

L’épreuve comprendra des sections de vélocross pour traverser les rivières à l’endroit des ponts détruits par l’armée ukrainienne.

Le tracé du Tour empruntera des routes défoncées par des obus, qui n’auront rien à envier aux pavés de l’Enfer du Nord.

La possibilité qu’un missile, tiré par l’armée ukrainienne pour faire croire au monde qu’il s’agit d’un missile russe, tombe sur le peloton et sur la foule des spectateurs, relancera l’intérêt de la course à chaque étape.

L’arrivée triomphale aura lieu sur la Place Rouge, le tsar remettant en personne le trophée au vainqueur.

samedi 2 juillet 2022

Le narratif poutinien, 75. Montrer ses muscles

Le tsar Vladimir premier s’est repassé la vidéo où l’on voit les dirigeants du G7 assis autour d’une table ronde. Le bad boy Boris Johnston a lancé les hostilités puériles contre la personne du tsar en suggérant qu’ils pourraient tomber la veste pour montrer leurs pectoraux, plus durs que ceux du tsar posant torse nu.

Le tsar Vladimir remercie le président Emmanuel Macron de ne pas avoir pris part à l’échange des propos injurieux, et d’avoir souri, certes un peu, mais moins que les autres.

Lui sait qu’on ne plaisante pas avec la force brute, quand le cavalier conduit sa monture comme un cosaque ou quand il manie une kalachnikov.

Le tsar a répondu au monde que l’exercice physique permettait d’être sain dans son corps et dans son âme, à condition d’être sobre, comme son ami Gérard Depardieu.









vendredi 1 juillet 2022

Le narratif poutinien, 74. Faire ses courses

Après avoir visionné les images du centre commercial de Krementchouk, et s’être informé de ce qui s’est réellement passé, le tsar Vladimir premier a fait connaître ses conclusions.

Il est évident que ces poutres harmonieusement enchevêtrés et les cendres aux coloris dégradés du blanc au noir est une mise en scène d’un performeur ou d’un cinéaste en train de tourner un film de propagande. Les cadavres ont été apportés sur le lieu du tournage, après avoir été volontairement carbonisés. Si les clients étaient morts sur place, les cadavres seraient plus frais. Quel intérêt aurait eu l’armée russe à gaspiller un missile sur un centre commercial ?

Le missile est tombé sur un entrepôt qui abritait un stock d’armes offensives livrées par les pays étrangers. Le feu s’est ensuite propagé au centre commercial voisin, qui d’ailleurs était vide à cette heure-là.

Il est fortement déconseillé aux Ukrainiens de faire leurs courses dans des supermarchés voisins des dépôts de munitions. Et comme tous les locaux qui ont un toit sont susceptibles de contenir des armes, il est déconseillé aux Ukrainiens de faire leurs courses. Il est d’ailleurs déconseillé définitivement aux Ukrainiens d’habiter l’Ukraine.