samedi 6 février 2016

Mort de Pierre Sineux, Président de l'université de Caen: l'hommage des abstracteurs

Un homme est mort. Il était Président de l’université de Caen.
La presse raconte son parcours: fils d’agriculteur, étudiant dans cette même université de Caen. On se dit que l’ascenseur social a bien fonctionné pour lui.
Il était spécialiste de religion grecque antique. Cet homme avait fait ses humanités à l’ancienne, c’était un humaniste, il avait sondé l’archéologie des mots et des pensées.
On ne sait pas de quoi est mort Pierre Sineux, à 54 ans. On parle d’une «maladie fulgurante».
Il mérite des hommages et des éloges dus à son rang: engagement, grand serviteur, dévouement, rayonnement, etc. Banalités d’usage. Mais que dire d’original dans ces circonstances?
Et puis, voici l’hommage du maire de Caen, Joël Bruneau: les actions de Pierre Sineux
«en faveur des étudiants ont permis le développement de l’offre estudiantine et l’ouverture à l’international de l’université».
Voici que la raison de la mort de Pierre Sineux commence à se préciser.
Il a toujours connu des étudiants et des étudiantes que l’université accueillait, formait. Et brusquement, ces temps se sont retrouvés aussi éloignés que la religion grecque antique. On s’est mis à parler du développement de l’offre estudiantine, la marchandise des cervelles universitaires étant soumise comme les autres à la loi du marché, c’est-à-dire à l’offre et à la demande. Pierre Sineux se sentait bien dans l’université au cœur du monde, le monde venait à elle et elle allait vers le monde. Il a reçu comme un choc l’ouverture à l’international, comme la sardine est à l’huile et nos ébénistes en éléments de langage sont à l’ouest.
Les abstracteurs de langue sont passés par là: les étudiants ont été dématérialisés en ressource estudiantine et le monde que l’on croyait à peu près rond s’est aplati à l’international.
Nous comprenons désormais de quoi est mort cet homme humaniste qui avait fait ses humanités et qui savait ce que les mots veulent dire: d’une brusque hémorragie du sens des mots.



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