mardi 16 février 2016

Écrire maintenant


« Écrire un poème après Auschwitz est barbare... ». La formule d’Adorno devient souvent : il n’est pas possible d’écrire après Auschwitz. Ses mots sont plus précis, plus restrictifs aussi : en limitant au poème, il n’exclut pas toute forme d’écriture, en particulier la non-fiction, comme témoignage. « Barbare » surprend, pour condamner la poésie d’après les camps. Au contraire, pourrait-on penser : le poème, loin d’être barbare, est la meilleure réponse à la barbarie. C’était après la seconde guerre. En 2016, la question est : comment écrire pendant la barbarie et avant la catastrophe annoncée ?


« Trouver une langue », urgence de Rimbaud. Pour dire à la fois l’extrême singulier et la norme mondialisée, la solitude des atomes et les connexions agglutinantes, les grands déplacements et déménagements, l’instantané sans mémoire, la complexité et la pauvre simplicité humaine de ce qui est primaire : la faim, la misère, la mort. Après l’unanimisme, le simultanéisme, quelle forme collective ?


L’actualité en flux continu va vite. Sur France Info, les journalistes ont un débit de plus en plus précipité, haletant. Ont-ils fait trois fois le tour de la Maison ronde avant de rejoindre le studio ? Non, ils courent après l’info. Autre tendance lourde : l’attaque agressive des mots, le roulement de tambour des « r », l’accent mis sur la première syllabe, à contretemps. Pour mimer, sans doute, la violence du monde.


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