mardi 19 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (6)


Question de temps

À peu d’exceptions près, le journal du confinement était quotidien. Celui du déconfinement s’espace. Il y a comme de la syncope dans le rythme. Peut-être un sentiment de moindre urgence, une libération de la contrainte.

Le confinement était mesuré sur le calendrier. On savait quand il avait commencé ; on attendait l’annonce de sa fin. Même avant de connaître la date de la quille, la période était bornée. Mais le déconfinement ? Il a commencé le 11 mai, ça c’est bien noté, mais quand finira-t-il ? La période est ouverte, sans sortie visible. D’où l’angoisse. La seule issue marquée serait un reconfinement. Le temps reprendrait alors une forme fixe.

À partir de quelle date serons-nous sortis des retombées du virus ? quand vivrons-nous avec, sans en parler comme d’un sujet ? Alors le docteur Raoult aura eu raison : c’était une grippette qui aura grippé la machine.

Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, disait récemment que l’interrogation sur le monde d’après virus faisait oublier les collapsologues, qui prophétisent la fin du monde. L’éminent physicien a raison tout en ayant tort : qu’on pense au monde d’après suppose qu’il y aura bien encore un monde, au moins pendant un bout de temps, mais la question se détache sur l’horizon d’une disparition générale, que la pandémie rend palpable, surtout quand la nature reprend ses droits, plus forte dès que s’est effacée la présence de l’homme.

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