mercredi 29 avril 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (38)


Dans sa 31e « chronique du confinement » de la série Sine die, Éric Chevillard écrit : « Notre langage insensiblement s’étiole et s’appauvrit dans ce contexte si peu textuel. »

À mesure que notre parole de confinés se réduit, la langue officielle tend de plus en plus vers l’abstraction. Est-ce un effet de la dématérialisation imposée par les machines numériques, ou bien la volonté d’empêcher les contacts physiques en remplaçant le vocabulaire concret ?

On parle de distanciation sociale, là où le mot distance aurait aussi bien fait l’affaire.

Ne dites pas présence, cela rappelle le vieux monde de la proximité, mais le présentiel, et même, à un niveau supérieur d’abstraction, la présentialité.

Les émissions audio et vidéo se font en absentiel. « La classe ne peut pas être remplacée par le distantiel », dit Philippe Mérieux (France-Inter, 21 avril 2020). On attend pour bientôt absentialité et distantialité.

Pour les abstracteurs de quintessence qui distillent la langue officielle, il n’y avait déjà plus de problèmes mais des problématiques, avec ce confort pour les gens de bureau qu’une problématique peut se contenter d’être posée (c'est un sujet, comme on dit), alors qu’un problème, autrefois, il fallait bien se rendre sur le terrain pour le résoudre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

De la même façon, compliqué est utilisé en lien et place de "pénible, douloureux, difficile". On entend dire ; "s'il faut faire la queue 2 heures pour avoir 3 masques, ça va être compliqué". Pas d'accord, ce sera pénible, mais pas compliqué. Rien de plus simple que d'attendre dans une file !
Mais si j'ouvre le boitier de ma montre mécanique et que j'examine le mouvement, je puis dire "c'est compliqué", et d'autant plus compliqué s'il s'agit d'une montre à complications.