mardi 24 janvier 2023

Le narratif poutinien, 130. Céline, Guerre (pages inédites, suite 4)

Il était venu les chercher dans la prison, lui-même dans la cour haranguant la foule, en personne, le grand dénudé du crâne qu’on voyait à la télé, le cuisinier qu’on l’appelait parce que c’est là qu’il avait fait sa fortune, et colossale d’après ce qu’on disait. La taule, il savait ce que c’était, pour en avoir fait lui dans sa jeunesse, alors il savait leur parler, aux têtes brulées comme lui.

Mais fallait pas croire, c’était un délicat, un sentimental qu’aimait la musique, surtout l’allemande d’avant le Reich, pas de la musique militaire avec clairons et tambours, non, de la symphonique de grand orchestre, que l’auditeur était submergé de vagues déferlantes, du Wagner, un romantique celui-là.

Ils savaient leur parler aux gars privés de liberté et encore plus de femmes. Il leur avait dit pas de contacts sexuels avec la flore du lieu, la faune non plus et surtout pas les hommes, on n’est pas des pédés, personne, les femmes non plus qu’il avait ajouté, mais plus bas, et tout le monde avait compris que là-bas on pourrait s’en donner. Ils avaient tous été bizutés à mort dès que les portes s’étaient refermées, violés en réunion au bout d’un fusil. Alors, quand on les lâchait, ils rendaient la pareille. Sauf qu’ils remplaçaient le bout de la kalachnikov, pour pas la mouiller, par un goulot de bouteille. Les Ukrainiennes qui leur tombaient dans les mains, ils les embouteillaient, on disait ça. Et quand ils étaient fin saouls, ou qu’ils sentaient la déroute, ils cassaient le goulot pour qu’après les femmes ne puissent plus jamais rien faire. Les femmes ils les détruisaient comme les villes, ils savaient rien faire d’autre que détruire, pas les prendre, juste détruire.


 

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