samedi 19 février 2022

Photographie retouchée




« Darjeeling lance une campagne pour toutes les générations de femmes », d’après le site officiel de sous-vêtements. L’intention affichée est généreuse : message anti-âgisme. Je m’appelle Caroline, un prénom de ma génération, j’ai 60 ans, je souris, j’ai été belle et je suis encore belle, j’ai un corps d’une femme de mon âge et je ne le cache pas.

Ça, c’est le message explicite. Mais en sous-conversation, on entend un autre discours, plus connu dans la publicité : je vous regarde dans les yeux mais vos yeux regardent plus bas, je suis encore désirable et je sais l’effet que je vous fais, j’appartiens encore au « marché de la baisabilité », comme dit Ovidie.

Elle ne pose pas en intérieur, dans une chambre, sur un canapé, ce qui serait trop érotique pour son âge, mais dans la nature, sur fond de pré. Que nous dit ce décor champêtre ? Qu’on peut se montrer dans son naturel à tout âge ? Que cette femme libre peut s’exhiber où elle veut ? Qu’un randonneur des sentiers de campagne peut la rencontrer et l’aborder dans son presque simple appareil ?

En bas de l’affiche, on lit : « photographie retouchée ». Cherchez la retouche. A-t-on rajouté des rides et des vergetures ? C’est peut-être un top modèle de 20 ans artificiellement vieilli. Il semble que la peau ait été lissée sur le haut du corps, jusqu’à la poitrine, pour que le regard n’accroche pas en descendant. Mais non, vous n’y êtes pas. C’est la barrière du second plan, qui trace une horizontale à la hauteur de la tête : on a pratiqué une petite ouverture, à droite des beaux cheveux argentés, par où le désir peut s’introduire.
 





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