samedi 12 mai 2018

G. G.


Après Postscript, qui suivait Épilogue, qui suivait Apostille, qui suivait Codicille, qui suivait Bardadrac, Gérard Genette décida que le vocabulaire ne lui offrait plus d’autre mot pour ajouter un livre supplémentaire, sauf à publier un Posthume, qui viendra peut-être, et avec cette élégance ironique qu’on lui connaît, il tira sa révérence.

La longue phrase enveloppée de Genette se réfléchit constamment, dans la distance de l’intelligence et de l’humour.

On l’accusa de jargon, de formalisme. Rien de plus clair cependant que cette démarche qui fuit les à-peu-près et crée à mesure ses propres instruments en les expliquant, et touche au fond par l’analyse des rapports entre les éléments, ce qui est la définition du structuralisme.

Lors d’un entretien pour le Magazine littéraire (n° 328, janvier 1995), mon rudimentaire magnétophone à cassettes émis un son aigu. Genette eut un sursaut qui me parut exagéré. Je trouve l’explication dans l’un des livres bardadresques : il souffrait d’hyperacousie. Je m’en veux de lui avoir abîmé l’oreille, qu’il avait si musicienne.

Qu’on le considère comme écrivain à partir de Bardadrac lui inspirait des réflexions amères et cinglantes : écrivain, il l’était dès le premier recueil d’essais. Avec Barthes, il a contribué à brouiller la frontière entre critique et littérature. À la réflexion, je me demande s’il n’aurait pas dû pousser l’analyse jusqu’à faire apparaître cette différence indépassable : le critique a toujours un objet, alors que l’écrivain avance à l’aveugle, sur rien, sans garde-fou.

Sollicité pour participer à un volume ludique de Lettres à Flaubert (Thierry Marchaisse, 2017), G. G. envoya ce billet, d’une belle écriture élancée : « Merci de votre invitation, mais comme Gustave ne répond jamais à mes lettres… »

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