samedi 18 mai 2019

Deux panthéonisables


Un chiffonnier a retrouvé dans la poubelle d’un ministère un papier confidentiel. On ne sait comment il a échappé au destructeur de documents. Il est constitué de deux zones : un texte imprimé en pleine page, et une longue annotation marginale manuscrite. On ne relève pas d’en-tête ni de signature. Deux photos occupent le haut de la page.



Objet : Proposition d’entrées au Panthéon

Deux hommes d’exception viennent de disparaître, à quelques jours d’intervalle (26 avril, 7 mai) :
1) Julien Lauprêtre (1926-2019), président du Secours populaire depuis 50 ans. On l’appelait « l’abbé Pierre laïc ». L’abbé Pierre étant de son vivant, et même après sa mort, la « personnalité préférée des Français », le gouvernement tirerait un bénéfice politique à honorer sa version laïque. Il a consacré sa vie aux pauvres : journée des oubliés des vacances pour les enfants qui ne partent pas ; Pères Noël verts pour ceux qui ne trouvent rien dans leur soulier. Un président des Pauvres au Panthéon : tous les pauvres y entreraient avec lui.
2) Jean Vanier (1928-2019), fondateur de l’Arche, autre ami des pauvres, des humiliés, des rejetés, des exclus. 50 ans aussi à la tête de sa Fondation, qui accueillait les déficients mentaux. Avec lui, tous les exclus entreraient au Panthéon.
Deux exemples pour une République fraternelle, pauvres inclus. Le gain symbolique serait significatif pour l’exécutif, en infléchissant son image dans l’opinion publique.

Note en marge
1) J. L. Relisez sa nécro : fils d’un cheminot, communiste, ouvrier miroitier à ses débuts. Vous imaginez entendre ça dans le discours de réception : « Entre ici, communiste… » ? « Secours populaire » : expression impossible à prononcer, pareillement. A donné des illusions aux enfants pauvres, en leur faisant croire que le Père Noël existe et que les vacances ne se méritent pas par le travail. Ses Pères Noëls verts sont une concurrence déloyale à l’Arbre de Noël de l’Élysée, œuvre caritative. On dit qu’il a toujours vécu dans le même HLM, aux côtés de son épouse, connue avant-guerre. Un tel exemple de stagnation sociale est contre-productif pour les jeunes générations. C’était un homme discret : qu’il le reste après sa mort. La France a besoin de vrais héros. Qui connaissait son nom ? Inutile de sortir un anonyme de son anonymat. Le bénéfice politique serait maigre, à faire croire aux pauvres que la Patrie peut être reconnaissante à l’un d’entre eux. Avis négatif.
2) J. V. Mélange de Suisse et de Canadien, pas Français. Issu d’une aristocrate et d’un diplomate, promis à une glorieuse carrière d’officier de marine : le choix des moins que rien offre à la jeunesse un déplorable exemple de déclassement par en bas, alors qu’il faut tirer la France vers le haut. Chrétien de gauche : pour la gauche, on a déjà Jaurès, et pour y représenter les misérables, Hugo suffit. Avis négatif.

PS : d’ailleurs, on ne fait plus entrer ici que des femmes, jusqu’à la parité.

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