jeudi 10 août 2017

La mort du sosie


Aujourd’hui, mon sosie est mort. Était-ce moi son sosie, ou lui de moi ? La ressemblance fonctionne dans les deux sens, mais comme c’est lui qui était célèbre, on me prenait pour lui.

On se ressemblait, et pourtant jamais on n’a dû le prendre pour moi.

On ne me prendra plus pour lui, à moins qu’on me croie mort et qu’on se sauve en me voyant, croyant voir mon fantôme.

Il était plus âgé que moi, de 22 ans, et dans son grand âge, il avait fini par ne plus me ressembler, ou l’inverse. Le sosisme n’a fonctionné que pendant une période d’une dizaine d’années, alors que, moi n’étant plus jeune et lui pas encore trop vieux, nous étions à peu près superposables. Il a toujours fait plus jeune que moi, jusqu’à son entrée dans le 4e âge. Alors, nous avons divergé.

Mince avantage, je lis sa rubrique nécrologique : doux, smart, subtil, aimé, finement ironique. Allons, encore un effort, et je pousserai la ressemblance jusque là.

La première fois qu’on m’a pris pour lui en me demandant un autographe, j’ai été tellement étonné que la groupie a cru que je jouais parfaitement mon rôle en feignant de ne pas être moi. Elle est partie à reculons, incrédule, fâchée de rentrer bredouille mais contente de m’avoir reconnu. En niant que j’étais l’autre, je n’ai réussi qu’à faire croire que je tenais à rester incognito. J’aurais dû lui donner un autographe en signant de mon vrai nom.

Je regarde la photo où il se trouve à côté de son épouse, une belle femme, en me disant que pour lui ressembler vraiment, il eût fallu que j’eusse une femme, et qu’elle ressemblât à la sienne. Et voici que me revient le souvenir d’une femme ancienne qui joua de cette ressemblance. Ce fut l’amour fou.

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