samedi 25 mai 2024

France Inter, l’humour interne

Depuis que Guillaume Meurice a été blâmé par la direction de France Inter pour avoir comparé Benyamin Netanyahou à une « sorte de nazi mais sans prépuce » le 29 octobre 2023, et plus récemment suspendu d’antenne après avoir réitéré le 28 avril 2024 la même blague sur le « nazi sans prépuce », on n’a jamais autant répété dans tous les articles qui concernent cette affaire la susdite blague du « nazi sans prépuce ». C’est toujours le même problème en cas de censure : il faut bien nommer les choses qu’on veut passer sous silence.

Le grand philosophe talentueux Raphaël Enthoven, quatre consonnes et trois voyelles, ce diable de l’amour, qui commence toutes ses phrases par « moi, je », compagnon de la directrice de France Inter, juge Guillaume Meurice un « humoriste sans talent », pas parce qu’il a comparé Benyamin Netanyahou à une « sorte de nazi mais sans prépuce », non, sinon ce serait de la censure, mais juste parce qu’il n’a pas de talent.

Guillaume Meurice fait partie de la bande à Charline Vanhoenacker, humoriste belge. Les histoires belges avaient autrefois la particularité de faire rire des Belges. Mais ils ont traversé la frontière en douce, dans le cadre d’un complot de grand remplacement de l’humour français par l’humour belge, et ce nouvel humour belge fait rire de nous au lieu de faire rire d’eux.

France Inter a remplacé l’humour politique par l’humour interne, moins risqué. Désormais, les humoristes maison prennent pour cibles les chroniqueurs salariés de France Inter, avec leurs petits défauts, leurs lapsus enregistrés de la veille. Ils ont inventé l’humour de l’entre soi, en circuit fermé, qui déclenche les rires forcés des gens présents dans le studio, censés représenter le chœur des auditeurs qu’ils imaginent en train de s’esclaffer de l’autre côté du poste.



dimanche 19 mai 2024

Le narratif poutinien, 161. On avance

Le tsar Vladimir premier remercie les amis de son ennemi d’être loyaux, de respecter les règles de la guerre en donnant des armes à l’agresseur ukrainien mais en lui interdisant de s’en servir sur le sol russe.

L’ennemi a le droit de bombarder son propre territoire dans la limite de ses frontières.

Les Occidentaux ne sont peut-être pas si décadents qu’on le dit à la télévision russe : ils soutiennent le faible qui agonise sous ses yeux, en ménageant le fort avec lequel ils s’apprêtent à négocier quand la paix dans les conditions imposées par le vainqueur sera revenue, et que le commerce pourra reprendre comme dans le monde d’avant.



lundi 13 mai 2024

Le narratif poutinien, 160. La main sur la Constitution

Le tsar Vladimir premier a prêté serment le 7 mai 2024 pour un cinquième mandat qui le conduira, le Dieu orthodoxe de l’Eglise russe le voulant, jusqu’en 2030. En cette occasion solennelle, il a posé sa main droite sur le texte sacré de la Constitution, et il a prononcé la formule rituelle : « Je jure de respecter et de protéger les droits et libertés de l’homme et du citoyen, de respecter et de protéger la Constitution, la souveraineté, l’indépendance, la sécurité et l’intégrité du gouvernement. » La couverture du livre étant rouge, on ne verra pas quand la main se retirera si la paume a déteint, au cas où la tache aurait résisté au lavage. Le photographe officiel a cadré à ce moment-là en plan serré sur cette main, pour que le tsar puisse sourire ou même rire à l’aise en prononçant la phrase pour la cinquième fois : « Je jure de respecter, etc. »

C’est la main maquillée en rose d’un homme qui commence à voir ses veines, comme les multiples ramifications gonflées de son pouvoir.

On s’attendrait à voir la patte de l’ours, un ours russe, qui se pose sur l’épaule et renverse d’un coup, mais non, c’est plutôt une patte de rat, pratiquant la technique du grignotage.


 

samedi 4 mai 2024

Le narratif poutinien, 159. Un coup de mou

Le tsar Vladimir premier a toutes les raisons d’être optimiste : il est d’une santé insolente, comme on le voit à sa mine ronde ; la Chine, la Corée du Nord et l’Iran envoient régulièrement des paquets cadeaux dans des containeurs ; la guerre sans fin entre Israël et le Hamas crée une diversion ; les aides américaines arrivent trop tard ; l’Europe se divise ; la liberté régresse ; la démocratie montre bien qu’elle est le pire régime sans exception ; les droites extrêmes progressent ; la Géorgie se russifie et la Biélorussie est toujours plus Russie que Biélo.

Et pourtant, on sent comme une timidité dans le discours. La Russie dément les cyberattaques contre l’Allemagne ; elle rejette catégoriquement les accusations de brouillage des cartes et des GPS dans la mer Baltique ; elle trouve infondées et grotesques les histoires d’espions russes ; elle ne revendique pas l’usage des armes chimiques contre le front ukrainien, ni les exécutions sommaires de soldats qui se rendent mains en l’air. Il est temps de faire preuve d’un peu plus de fermeté en assumant sa force et sa détermination face à l’agression.

On dirait même qu’au lieu d’attaquer, on est sur la défensive : « Je voudrais une fois de plus avertir Washington, Londres et Bruxelles que toute action agressive contre la Crimée est non seulement vouée à l’échec, mais qu’elle recevra également des représailles qui seront écrasantes », a dit Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe. Si elle est vouée à l’échec, pourquoi menacer de représailles écrasantes ?

Le tsar Vladimir premier doit se ressaisir, revendiquer sans avoir peur des mots ses actions légitimes, mettre Maria Zakharova en prison pour ses propos qui laissent supposer que l’action agressive des adversaires peut ne pas être vouée à l’échec, et repartir d’un bon pas en avant, vers l’Ouest, toujours vers l’Ouest, jusqu’à l’Atlantique et au-delà.