samedi 23 avril 2022

Le narratif poutinien, 33. L’art d’assiéger

Les stratèges militaires de l’armée de libération russe tirent un grand profit à la lecture du roman antique Salammbô. Après avoir raconté l’histoire d’une femme occidentale corrompue, Flaubert s’est intéressé à des choses sérieuses : comment prendre une place forte. Il avait lu les Ruses de guerre de Polyen et la Poliorcétique de Juste-Lipse, de bons auteurs.

Les Mercenaires assiègent Carthage, après avoir coupé l’aqueduc qui alimente la ville, et ça donne ça dans le texte :

Carthage commençait à souffrir de la soif. L’eau, qui valait au début du siège deux késitah le bât, se vendait maintenant un shekel d’argent ; les provisions de viande et de blé s’épuisaient aussi ; on avait peur de la faim ; quelques-uns même parlaient des bouches inutiles, ce qui effrayait tout le monde.
Depuis la place de Khamon jusqu’au temple de Melkarth des cadavres encombraient les rues ; et, comme on était à la fin de l’été, de grosses mouches noires harcelaient les combattants. Des vieillards transportaient les blessés, et les gens dévots continuaient les funérailles fictives de leurs proches et de leurs amis, défunts au loin pendant la guerre. […]
La température devint si lourde que les corps, se gonflant, ne pouvaient plus entrer dans les cercueils. On les brûlait au milieu des cours.

C’est après avoir lu ce passage que le tsar Vladimir premier ordonna le siège de Marioupol, et qu’il prononça ces paroles historiques : « Bloquez cette zone de façon à ce qu’une mouche ne puisse pas passer. »

C’était à Carthage, en 240 avant Jésus-Christ, entre les deux guerres puniques, au temps des Barbares.

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