lundi 13 mai 2024

Le narratif poutinien, 160. La main sur la Constitution

Le tsar Vladimir premier a prêté serment le 7 mai 2024 pour un cinquième mandat qui le conduira, le Dieu orthodoxe de l’Eglise russe le voulant, jusqu’en 2030. En cette occasion solennelle, il a posé sa main droite sur le texte sacré de la Constitution, et il a prononcé la formule rituelle : « Je jure de respecter et de protéger les droits et libertés de l’homme et du citoyen, de respecter et de protéger la Constitution, la souveraineté, l’indépendance, la sécurité et l’intégrité du gouvernement. » La couverture du livre étant rouge, on ne verra pas quand la main se retirera si la paume a déteint, au cas où la tache aurait résisté au lavage. Le photographe officiel a cadré à ce moment-là en plan serré sur cette main, pour que le tsar puisse sourire ou même rire à l’aise en prononçant la phrase pour la cinquième fois : « Je jure de respecter, etc. »

C’est la main maquillée en rose d’un homme qui commence à voir ses veines, comme les multiples ramifications gonflées de son pouvoir.

On s’attendrait à voir la patte de l’ours, un ours russe, qui se pose sur l’épaule et renverse d’un coup, mais non, c’est plutôt une patte de rat, pratiquant la technique du grignotage.


 

samedi 4 mai 2024

Le narratif poutinien, 159. Un coup de mou

Le tsar Vladimir premier a toutes les raisons d’être optimiste : il est d’une santé insolente, comme on le voit à sa mine ronde ; la Chine, la Corée du Nord et l’Iran envoient régulièrement des paquets cadeaux dans des containeurs ; la guerre sans fin entre Israël et le Hamas crée une diversion ; les aides américaines arrivent trop tard ; l’Europe se divise ; la liberté régresse ; la démocratie montre bien qu’elle est le pire régime sans exception ; les droites extrêmes progressent ; la Géorgie se russifie et la Biélorussie est toujours plus Russie que Biélo.

Et pourtant, on sent comme une timidité dans le discours. La Russie dément les cyberattaques contre l’Allemagne ; elle rejette catégoriquement les accusations de brouillage des cartes et des GPS dans la mer Baltique ; elle trouve infondées et grotesques les histoires d’espions russes ; elle ne revendique pas l’usage des armes chimiques contre le front ukrainien, ni les exécutions sommaires de soldats qui se rendent mains en l’air. Il est temps de faire preuve d’un peu plus de fermeté en assumant sa force et sa détermination face à l’agression.

On dirait même qu’au lieu d’attaquer, on est sur la défensive : « Je voudrais une fois de plus avertir Washington, Londres et Bruxelles que toute action agressive contre la Crimée est non seulement vouée à l’échec, mais qu’elle recevra également des représailles qui seront écrasantes », a dit Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe. Si elle est vouée à l’échec, pourquoi menacer de représailles écrasantes ?

Le tsar Vladimir premier doit se ressaisir, revendiquer sans avoir peur des mots ses actions légitimes, mettre Maria Zakharova en prison pour ses propos qui laissent supposer que l’action agressive des adversaires peut ne pas être vouée à l’échec, et repartir d’un bon pas en avant, vers l’Ouest, toujours vers l’Ouest, jusqu’à l’Atlantique et au-delà.