dimanche 24 mai 2020


Jean-Lou Dabadie est mort quelques jours après Michel Piccoli : le son s’est éteint après l’image.

« Depuis que Jean-Lou Dabadie était devenu Immortel, on n’avait plus entendu parler de lui » (un journaliste).

Dans Les choses de la vie, les choses datent : les voitures (4 L, 4 chevaux, DS), le rasoir de Pierre, la machine à écrire d’Hélène, l’appareil photo avec lequel un type photographie la voiture retournée, le téléphone à cadran, les robes Courrèges, les coiffures hautes d’Alexandre (ils sont nommés au générique). Mais c’est surtout la cigarette qui conjugue le film au passé simple de l’année 1970 ; elle est présente dans toutes les séquences. On l’allume ou on l’écrase, on tire dessus ; c’est une composante essentielle de la gestuelle, un élément indispensable de mise en scène.

On se souvenait des tonneaux au ralenti, de la terre sur l’axe du volant, mais Dieu que c’est long, ça n’en finit pas, c’est l’accident de voiture le plus long de toute l’histoire du cinéma.

Passe le second rôle de l’attachant Jean Bouise, et Boby Lapointe en conducteur de la fatale bétaillère chargée de porcs, même pas un second rôle, pas un rôle du tout. On ne lui a pas demandé de composer une chanson à calembours pour le film.

Et la « La chanson d’Hélène », qui fait pleurer, parce que le film est triste et qu’elle est chantée par une actrice morte ? Non, elle n’est pas dans le film.

Michel Piccoli était poilu, vraiment très poilu, sur le torse.

mardi 19 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (6)


Question de temps

À peu d’exceptions près, le journal du confinement était quotidien. Celui du déconfinement s’espace. Il y a comme de la syncope dans le rythme. Peut-être un sentiment de moindre urgence, une libération de la contrainte.

Le confinement était mesuré sur le calendrier. On savait quand il avait commencé ; on attendait l’annonce de sa fin. Même avant de connaître la date de la quille, la période était bornée. Mais le déconfinement ? Il a commencé le 11 mai, ça c’est bien noté, mais quand finira-t-il ? La période est ouverte, sans sortie visible. D’où l’angoisse. La seule issue marquée serait un reconfinement. Le temps reprendrait alors une forme fixe.

À partir de quelle date serons-nous sortis des retombées du virus ? quand vivrons-nous avec, sans en parler comme d’un sujet ? Alors le docteur Raoult aura eu raison : c’était une grippette qui aura grippé la machine.

Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, disait récemment que l’interrogation sur le monde d’après virus faisait oublier les collapsologues, qui prophétisent la fin du monde. L’éminent physicien a raison tout en ayant tort : qu’on pense au monde d’après suppose qu’il y aura bien encore un monde, au moins pendant un bout de temps, mais la question se détache sur l’horizon d’une disparition générale, que la pandémie rend palpable, surtout quand la nature reprend ses droits, plus forte dès que s’est effacée la présence de l’homme.

samedi 16 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (5)


Mike Pompeo affirme avoir des « preuves immenses » que le coronavirus vient d’un laboratoire de Wuhan. Dans le même interview, le secrétaire d’État a pourtant appelé les services de renseignements à poursuivre leurs investigations pour « être sûrs et certains, même si les preuves sont déjà là ». On est sûr, mais on n’est jamais assez sûr.

Charles Pasqua (le regretté Charles Pasqua) avait inventé le vrai-faux passeport, c’est-à-dire un passeport établi sous un faux nom, mais délivré officiellement par le ministère de l’intérieur. Dans le domaine des tests, c’est plus compliqué. On parle de faux positif (test positif à tort) ou de faux négatif (test négatif à tort) quand le résultat du test est contraire à la réalité. Un test est donc faux négatif s’il indique un résultat négatif, alors que le fait étudié correspond à un cas positif. Mais si le positif est un faux négatif et le négatif un faux positif, que serait un vrai-faux positif ? Le vrai-faux positif serait-il léquivalent dun vrai-faux négatif ? Les scientifiques divergent.

Les obèses sont des personnes à risque. Pour protéger les personnes à risque, tout le monde se confine. Or, pendant le confinement, on ne bouge guère qu’autour du frigo. Donc, on prend du poids. Et les obèses sont des personnes à risque.

vendredi 15 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (4)


Nicolas Hulot a édicté ses « 100 principes pour un nouveau monde ». Ils commencent tous par « Le temps est venu », comme le discours d’investiture de Nelson Mandela, et tiennent chacun en une seule phrase. La multiplication du papier concourant à la déforestation, il fallait que l’écologiste fasse court.

Aucune des 100 phrases ne se termine par un point final, sans doute pour ouvrir un espace à la réflexion, sauf deux principes :
29. Le temps est venu de reconnaître notre vulnérabilité.
72. Le temps est venu de ralentir.
Un point après « ralentir », on comprend l’arrêt, mais après « vulnérabilité » ?

On ne peut pas faire plus positif ni consensuel. Tout le monde peut contresigner ces cent principes.

On lit de fortes déclarations, telle que :
18. Le temps est venu d’applaudir la vie

Puisque sur écran on ne coupe pas d’arbres pour imprimer, on peut continuer au-delà de 100.
101. Le temps est venu de saluer le soleil le matin et la lune le soir.
102. Le temps est venu de boire l’eau du robinet.
103. Le temps est venu de fermer le robinet pendant qu’on se frotte les mains.
104. Le temps est venu de prendre conscience que la terre est ronde.
105. Le temps est venu de se donner la main en gardant ses distances.
106. Le temps est venu que le fort protège le faible.
107. Le temps est venu que le riche donne un peu au pauvre.
108. Le temps est venu de tendre la main aux humbles et aux invisibles (ah pardon, c’est déjà le principe 58).
109. Le temps est venu de dire bonjour à la dame.
110. Le temps est venu de dire merci la vie.

jeudi 14 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (4)


On ne comprend pas bien pourquoi les musées ne rouvrent pas, alors que pour regarder un tableau accroché au mur, il a toujours fallu respecter une distance d’un mètre cinquante ou deux mètres.

On avait prévu large et long pour les pâtes, le riz, et pour les livres aussi : À la recherche du temps perdu, Guerre et paix, les douze tomes de La Comédie humaine dans la Pléiade. Finalement, on a regardé des vidéos de 3 minutes et lu des blogs écrits au jour le jour, rien que des formes courtes. On se remettra à La Recherche avec une belle Prisonnière, mais pour un confinement choisi.

Michel Houellebecq termine sa lettre sur le coronavirus, datée du 4 mai, en faisant du Houellebecq : « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire. » Tiens mais, on a déjà lu ça quelque part, quinze jours plus tôt, dans un entretien de Jean-Yves Le Drian publié par Le Monde le 21 avril : « Ma crainte, c’est que le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant, mais en pire. » Dans la littérature du monde d’après, on pratiquera toujours le plagiat, comme avant.

mercredi 13 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (3)


Avant le Covid, Valéry Giscard d’Estaing n’a pas toujours respecté la distance physique avec les journalistes, en particulier avec les journalistes femmes. À 94 ans, il faut lui expliquer la différence entre les gestes barrières et les gestes bas sur les derrières.

Même après le 11 mai, les journalistes restent en partie confinés. Les directs s’en ressentent. Il y a comme une signature visuelle (le brouillage) et sonore du coronavirus, qui restera.

Le silence entre la question et la réponse, le petit décalage qui donne l’impression que l’interlocuteur marque un temps de réflexion avant de répondre.

Les voix qui se chevauchent. Autour d’une table, on sait qui va parler, à un mouvement de tête, un signe, un doigt qui se lève. Mais à l’aveugle, on se jette en avant, et on butte sur celui qui est parti à la même seconde.

Les journalistes qui coupent la parole. Mais ça, ce n’est pas spécial à la période Covid, même quand ils ont l’invité devant eux, ils lui coupent systématiquement la parole, C’est passionnant, ce que vous dites, on vous écouterait pendant des heures, mais l’émission se termine. Le journaliste n’écoute pas, il regarde le chronomètre. Et quand un auditeur témoigne à contre-courant, on a dû leur apprendre, à l’école de journalisme, à dire sèchement : « On a bien entendu votre colère ; votre message est bien passé. »

S’il vous plaît, dans les écoles de journalisme, est-ce qu’on pourrait apprendre à ne pas répéter la question des auditeurs pour la relayer auprès de l’invité à qui elle s’adresse ? L’auditeur en direct s’est clairement exprimé, les auditeurs ont bien compris la question, mais non, c’est plus fort que lui, le journaliste éprouve le besoin de répéter la question de l’auditeur à l’invité qui l’a parfaitement comprise. Pourquoi, mais pourquoi ?

mardi 12 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (2)


Christian Estrosi, maire de Nice, est un homme prudent pour sa ville. Elle est la mieux équipée de France en caméras de vidéosurveillance : 3.200 caméras, soit une caméra pour 110 habitants. Et il veut aller plus loin avec la reconnaissance faciale et la détection des émotions. Il est en pointe également sur le front du coronavirus, en rendant le masque obligatoire dans l’espace public. Maintenant, on voit où est le problème. On cherche à équiper les caméras d’infra-rouge pour identifier les visages sous les masques. Ainsi la ville serait-elle la plus sûre contre la contagion grâce aux masques et contre les délinquants en les démasquant.

Une autre piste actuellement à l’étude consisterait à rendre obligatoire le masque personnalisé, qui porterait sur sa face externe une photo de la partie cachée du visage, c’est-à-dire le bout du nez, la bouche et le menton. Techniquement, c’est faisable.

Un ancien d’Algérie se rappelle ses belles années là-bas, quand il promenait son uniforme et son torse bombé parmi les femmes voilées. « Les yeux, me dit-il, le masque fait ressortir les yeux, on ne voyait que leurs yeux, toute l’âme qui passe par la fente des yeux. » Les siens brillent encore.

lundi 11 mai 2020

Journal insignifiant d’un déconfit né (1)


Le coronavirus aura eu au moins cet effet bénéfique de faire disparaître toutes les guerres dans le monde, les famines, le terrorisme, les drames des migrations. On en parlait encore avant la pandémie, et il serait invraisemblable qu’on n’en parle plus, si ces calamités existaient encore.

Écarter les bras pour maintenir la distanciation d’un mètre à droite et à gauche, d’accord, c’est possible, même si on n’a pas les bras longs. Mais devant et derrière ? Il nous manque des appendices antérieur et postérieur pour assurer notre survie. L’évolution naturelle de l’espèce humaine les fera pousser, mais il faudra sans doute attendre plusieurs générations.

Nouveau couac du gouvernement : il aurait dû avertir le vent frisquet qui s’est invité aujourd’hui dans l’espace public, contrariant la circulation à vélo, que la bise est désormais interdite.

dimanche 10 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (45)


Le coronavirus est prévenu : s’il continue à circuler librement à partir de demain, lundi 11 mai, il sera verbalisé.

La publicité a vite fait d’intégrer le virus : « Vous allez retrouver le plaisir de conduire, mettez-vous au volant de votre hybride » ; « grâce à Orange #OnResteEnsemble », etc. On n’est pas tiré d’affaire, mais les affaires reprennent.

On entend des choses étranges : la SNCF qui demande à ses clients de ne pas voyager, les stations touristiques qui encouragent les touristes à rester chez eux.

Quand les Parisiens vont se précipiter pour se mettre au vert, les départements situés à l’Ouest vont rapidement virer au rouge.

La haute technologie relie les hommes par le numérique, mais ce qui les sauve, c’est un bout de tissu devant la bouche et le nez, ce que Fred Vargas appelle « la basse technologie ».

On a retrouvé le patient 0. Mais ce patient a bien été contaminé par quelqu’un. On est parti à la recherche du patient n —1.

samedi 9 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (44)


1896 : premiers JO de l’ère moderne. 2021 : premiers JO de l’ère post-moderne, une année impaire, alors que la périodicité de quatre années garantissait toujours un chiffre pair. On réfléchit à la manière de remettre le calendrier d’aplomb.

Des centaines de délégations du monde entier, comportant chacune des centaines de membres, défilant en rangs serrés dans un stade bondé, pour les cérémonies d’ouverture et de clôture, et repartant ensuite dans leur pays, sur toute la surface du globe..., l’esprit olympique se diffusera plus vite, plus loin, plus fort.

Une nouvelle réglementation se met en place :

Les bassins olympiques seront remplis de trois quarts d’eau, et d’un quart de gel hydroalcoolique.

Dans les courses de relais, le coureur n° 1 nettoiera le témoin avec du gel hydroalcoolique avant de le passer au coureur n° 2, et ainsi de suite.

La longueur de la lame pour les fleurets, épées et sabres sera portée à 1m de distanciation sportive, contre 88 ou 90cm actuellement.

vendredi 8 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (43)


Les balcons des théâtres n’étant plus garnis, c’est aux balcons des immeubles que se joue désormais la comédie humaine, avec toujours la même fonction sociale : voir et être vu.

On craignait une année noire pour la culture, mais les intermittents du spectacle ne s’en sortent pas trop mal avec le décret d’une année blanche.

Refrain des blogs d’écrivains : quelle littérature sortira, etc. ? Dans l’immédiat, on oscille entre le nombrilisme des écrits à la première personne et la symphonie des créations collectives par addition des solistes confinés. Mais après ? Les guerres et les bouleversements historiques ont donné des épopées et des romans : L’Iliade, Les Chouans, Quatre-ving-treize, L’Éducation sentimentale, La Débâche, Le Voyage au bout de la nuit. Parce que c’étaient des événements collectifs vécus collectivement, et non chacun pour soi. Mai 68 n’a pas accouché d’une grande œuvre. Trop individualiste, déjà ?

La Peste n’est pas le roman d’une épidémie, mais la métaphore de la peste brune. C’est encore l’Histoire qui a fait écrire, pas la maladie.

Des histoires de couples séparés par le confinement, ou qui se séparent après le déconfinement, des femmes et des enfants battus, des vieux qui meurent seuls, rien que de l’individuel, alors que la pandémie, mondiale, produit de la mondialisation et révélant ses méfaits, mériterait un roman-monde, une épopée, une saga, avec du souffle. Attendons.

jeudi 7 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (43)


Après le maître-nageur de Welcome, l’agent de sécurité dans La loi du marché, le leadeur syndical dans En guerre, Vincent Lindon est à l’affiche de son meilleur film, un court métrage de 19min 35, dans lequel il joue son propre rôle.

Il n’a même pas appris son rôle : il lit un texte qu’il a écrit. Quand il lit, il oublie ses tics qui tirent ses traits. Ils reviennent après, quand il lève la tête de ses feuilles pour apparaître en homme sans masque, comme nous.

Le coup de génie, ce n’est pas de demander de l’argent aux riches, mais de baptiser « Jean Valjean » cette assistance pour personnes en danger. Sur le dos des Gilets jaunes, on lisait déjà après l’incendie : « Tout pour Notre-Dame, rien pour les Misérables ». Jean Valjean, tout le monde connaît, c’est facile à retenir, ça plonge loin dans la mémoire du peuple : « En 1820, on lui connaissait une somme de 630.000 francs placés à son nom chez Laffitte ; mais avant de se réserver ces 630.000 francs, il avait dépensé plus d’un million pour la ville et pour les pauvres » (I, Liv. V, 2). Mettons Bernard Arnault à la place du père Madeleine, on arrive à 100 milliards pour les pauvres, en arrondissant.

mercredi 6 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (42)


Pourquoi le mot « distanciation » dans le discours d’aujourd’hui, à la faveur des gestes barrières, au lieu du mot « distance » ? C’est contraire à la pente de la langue vers le moindre effort : cinématographe > cinéma > ciné. « Distance » en deux syllabes, c’est pourtant plus économique que « distanciation », en quatre.

La raison serait-elle que « distanciation » contient l’action ? Alors que « distance » mesure l’espace, « distanciation » creuse l’écart, en acte.

Et voilà qu’Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française, invite à passer du propre au figuré : l’écart dans l’espace glisse vers le sens moral, prendre ses distances, garder ses distances (au pluriel) pour empêcher quelqu’un d’approcher. La distanciation sociale est à comprendre comme geste de classe : tenir l’inférieur à distance respectueuse. Et aussi, politiquement, comme refus de l’autre, de l’étranger : repousser ce qui est différent.

Brecht peut-il être utile, avec sa notion de distanciation dans son théâtre épique ? L’acteur doit se tenir à distance de son personnage pour le montrer au lieu de jouer en s’identifiant au rôle, et pour éveiller l’esprit critique du spectateur. Puisse la distanciation sociale, sur le théâtre du monde d’après, nous appeler à la même vigilance, devant le spectacle d’une société qui met à distance et dresse des barrières.

lundi 4 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (41)


On les reverra, les temps heureux, et « les 1er mai joyeux, chamailleurs parfois » (le Président).
Chamailler : Fam. Se disputer pour des raisons futiles (Petit Larousse illustré).
Exemple : « Les enfants, arrêtez vos chamailleries. »

Michel-Édouard Leclerc trouve « puérile » d’accuser les grandes surfaces d’avoir caché des masques. Les pharmaciens sont de grands enfants.

Si les Français relâchent leurs efforts, ils resteront confinés et seront privés de vacances. Les Français sont de grands enfants qui n’obéissent qu’à la menace.

En Allemagne et dans les pays du Nord, des politiques adultes parlent à un peuple d’adultes. Le virus a fait moins de morts.

dimanche 3 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (41)


Choses vues dans la rue par temps de corona

Je déambule avec un masque. Personne ne me regarde avec curiosité. Nous sommes devenus des Asiatiques.

Ce type qui a bu pour oublier qu’il bat sa femme marche en zigzag et se rapproche dangereusement de moi. Avec un peu de chance, l’alcool fort tue le virus. Comme la nicotine ?

Sur le trottoir, un attroupement de SDF. Ils sont plus que la dizaine autorisée. Verbalisables. Sans masque. Et aucun des rares passants ne s’arrête pour jeter une pièce. Des fois qu’elle serait contaminée. On ne veut pas leur mort. Mais que vont-ils devenir quand la monnaie numérique, plus hygiénique, aura entièrement remplacé l’argent sonnant et trébuchant ?


Les trottoirs du monde d’avant                            Les trottoirs du monde d’après







samedi 2 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (40)


Le professeur Didier Raoult porte toujours une blouse blanche. C’est ce qui le distingue de ces officiels parisiens qu’il n’aime pas : eux sont en complet cravate et chemise blanche, ce sont des cols blancs. La blouse blanche du professeur Raoult sur chemise à carreaux, genre Vichy, remplit trois fonctions : 1) elle affiche la simplicité de l’homme, car c’est un vêtement ordinaire que tout le monde peut se procurer 2) la blouse blanche fait le savant comme l’habit fait le moine ; c’est un gage de sérieux, on écoute ce qu’il dit 3) il est au travail, ce n’est pas un homme de cabinet, il ne passe pas son temps à parler de médecine, il la pratique, il est sur le terrain.

Il avait les cheveux longs, déjà avant le confinement.

Sa fiche Wikipédia nous apprend que son épouse est psychiatre. Si c’est le savant fou que l’on dit, au moins quelqu’un le sait et le soigne.

On pensait que sa bague à tête de mort faisait partie de son look provocateur. Il s’en explique dans Paris-Match : « Ce n'est pas une bague de rocker, mais un memento mori, le souviens-toi que tu vas mourir des Romains. Je suis très influencé par leur culture qui souvent incite à se méfier du triomphe. » Il dit deux choses : qu’il triomphe de la mort et c’est pour cela qu’il est célèbre ; que la mort triomphera de nous tous et que le coronavirus n’est peut-être pas si terrible.

vendredi 1 mai 2020

Journal insignifiant d’un con, finement (40)


Les confinés vivent sous cloche.

Cette année, les cloches sont restées à Rome.

Le 15 avril 2020, Quasimodo a mis en branle le battant d’Emmanuel, la grosse cloche de Notre-Dame, pour le premier anniversaire de l’incendie. Ça fout le bourdon.

Combien de clochettes au brin de muguet absent ?

Quand la courbe de la pandémie aura fait la cloche, on n’en parlera plus.

Mais les confinés sortiront tous avec la cloche fêlée.

Journal insignifiant d’un con, finement (39)


Jeudi 30 avril 2020

Les services secrets des États-Unis pensent avoir identifié le patient zéro du coronavirus. C’est une patiente zéro. Elle vendait des crevettes sur le marché de Wuhan. Ou bien une scientifique d’un des laboratoires virologiques de cette même ville. Contaminée par accident sur son lieu de travail, elle a transmis le virus à son fiancé, qu’elle a envoyé au marché acheter du pangolin. Dans les deux cas, une femme.

Selon des complotistes américains, le patient zéro aux USA est une patiente zéro : une employée de l’armée qui a participé en tant que cycliste aux jeux militaires de Wuhan. Encore une femme.

En Chine comme aux États-Unis, le prénom des patientes zéro se traduit en français identiquement par Ève, c’est étonnant. L’histoire de l’humanité recommence, à partir du péché originel.

Par chance, toutes les infirmières et toutes les couturières qui sauvent actuellement l’humanité se prénomment Marie.