dimanche 15 décembre 2019

Et tout le reste est


Bernard Pivot démissionne de la présidence du prix Goncourt pour diverses raisons, explique-t-il, l’âge, l’usure, mais aussi le désir de découvrir des auteurs qu’il ne connaît pas encore. Entre autres, Huysmans : « Je veux relire Huysmans, que je n’ai quasiment jamais lu. »

Le massage thaïlandais est désormais inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. On y trouve déjà la gestion du danger d’avalanches, l’alpinisme, la gastronomie française, parmi 549 éléments. Dossiers à venir : la culture du sauna en Finlande et la pêche à la charfiya aux îles Kerkennah. Le syndicat des écrivains réfractaires au clavier de l’ordinateur, présidé par Sylvain Tesson, vient de déposer officiellement un dossier en vue de faire classer l’usage de la plume d’oie.

Les lauréats du prix Goncourt se voient remettre un chèque de 10 euros, en attendant les 100.000 euros des ventes espérées. En règle générale, ils ne touchent pas ce chèque. Ils le font encadrer (selon la coutume des bénéficiaires d’un chèque signé Picasso, la signature valant plus que le montant du chèque). À quelques exceptions cependant, dit-on : certains ont encaissé le chèque symbolique. Mais impossible de savoir qui.

Interrogé sur sa curieuse pratique d’écriture, consistant à composer un livre par an en mars, le lauréat du prix Goncourt 2019, Jean-Paul Dubois, a répondu à la télévision : « Parce qu’en mars, il y a 31 jours. J’écris 8 pages par jour pendant 30 jours, ce qui fait un total de 240 pages, et le 31e jour, je relis le tout. » Sauf erreur, huit mois sur douze comptent 30 jours. D’abord, on ne comprend pas. Et puis on réfléchit : entre fin mars et début septembre, il se passe cinq mois pleins, le temps d’imprimer le livre et de le mettre en place sur les étals des libraires pour la rentrée.

samedi 26 octobre 2019

Lubrizol, III. La fabrique des héros


Les pompiers sont des héros. On le sait depuis que 343 sont morts à New York le 11 septembre 2001. Ceux qui se trouvaient sur le site de Lubrizol le 26 septembre 2019 n’ont pas péri dans l’incendie. Ils n’en sont pas moins valeureux. Leur colonel a cru les flatter en poussant un coup de clairon sur les murs de la caserne : « Je suis fier de vous ». Mais au lieu de remercier, les ingrats soldats du feu sont en colère : on les a envoyés au casse-pipe éteindre un incendie chimique sans eau, sans mousse et sans protection. Une bouche en travaux était sans eau, une autre en sous-pression. Et la zone riche en usines Seveso ne dispose pas d’un engin à fabriquer de la mousse. Il a fallu attendre plusieurs heures. Pas plus de masques à gaz dans les camions. Un vrai héros attaque un feu chimique à mains nus. Ils ont compris comment on fabrique un héros, si possible mort. C’est pareil dans toutes les guerres, du feu comme les autres : un gradé envoie les soldats au front, ils en ressortent morts ou estropiés, un officiel fait des discours à contraintes en plaçant les mots valeur, sacrifice, patrie, pour calmer la douleur des familles et encourager les camarades à suivre l’exemple. Si les victimes refusent d’être des héros, qui éteindra désormais les feux sans eau ni mousse ni masque ?

Les analyses d’air, d’eau, de sang ne sont pas bonnes. Mais on ne sait pas si elles sont pires qu’avant, parce qu’on ne dispose pas de résultats antérieurs pour comparer. Si bien que l’événement n’a pas d’effets mesurables. Il ne serait même pas exagéré de dire qu’il n’a pas eu lieu. Juste un écran de fumée.

Malgré les consignes de sécurité, les exercices grandeur nature, rien ne s’est passé comme prévu. On se demande même s’il ne serait pas plus sage de ne rien prévoir, pour être préparé à l’imprévisible.

Le vrai héros, on le tient, c’est une héroïne, Irène Frachon, la lanceuse d’alerte dans l’affaire du Mediator commercialisé par les Laboratoires Servier. On reconnaît les vrais héros à cela qu’ils refusent l’héroïsation, toujours suspecte : « je ne faisais que mon travail. » C’est leur titre de gloire, ce que n’importe qui devrait pouvoir dire.

dimanche 13 octobre 2019

Lubrizol, II






Transparence : Propriété qu'a un corps, un milieu, de laisser passer les rayons lumineux, de laisser voir ce qui se trouve derrière. Antonyme : opaque » (Trésor de la langue française).




Alphonse Allais n’aurait pas eu tout à fait tort de recommander qu’on construise les usines à la campagne.

Paroles gouvernementales : il n’y a « pas de dangerosité particulière, même si, nous le savons, l’inhalation de fumées présente en soi sa part de dangerosité » (le ministre de l’Intérieur). Nous le savons, mais à la fin de la phrase, nous ne savons plus bien ce que nous savons. Notre seule certitude, c’est que le mot « dangerosité » est moins redoutable que le mot « danger ». « On peut être grossièrement rassuré par le fait qu’il n’y a pas en quantité importante des produits potentiellement dangereux » (la ministre de la santé). Relire trois fois la phrase, jusqu’à ne plus entendre que les deux adverbes en –ment, grossièrement, potentiellement, et le message refoulé : le potentiel ment.

Les gens du voyage, environ une centaine de personnes, qui stationnaient sur une aire située à 300 mètres de l’usine, n’ont pas été pris en charge : « On nous a dit qu’on ne nous évacuait pas parce qu’on n’était pas dans une zone habitable » (Paris-Normandie, 2 octobre 2019). Il n’est pas juridiquement suffisant qu’une zone soit habitée pour être considérée comme habitable.

Warren Buffett, propriétaire de l’usine Lubrizol, l’homme le plus riche du monde, bienfaiteur de l’humanité, vient de faire une généreuse proposition qui ne manquera pas d’apaiser les légitimes inquiétudes et les justes colères des populations touchées par le nuage de fumée. Il prendra entièrement à sa charge l’épandage de produits aromatiques par aéronefs agricoles normalement destinés au traitement des récoltes par glyphosate. Le parfum sera choisi démocratiquement sur la plateforme en ligne LubriKzol, parmi une gamme de cinq déodorants. Les mauvais esprits objecteront qu’il s’agit encore de produits chimiques fabriqués dans les usines appartenant à Warren Buffett, mais qui pourra contester sérieusement quune bonne odeur est préférable à l’œuf pourri ?

samedi 28 septembre 2019

Lubrizol, Rouen


Depuis que les autorités ont annoncé que le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière de la France le 30 avril 1986, et qu’il ne présente aucun risque pour la santé, comment ne pas accorder foi aux discours qui visent à tranquilliser les populations.

Les autorités se veulent rassurantes.


Les communiqués officiels n’indiquent pas le niveau des substances toxiques, mais la dose d’informations anxiogènes que la population peut supporter.

« Les résultats dans l’ensemble n’ont pas fait apparaître de toxicité aiguë ». Donc, on ne mourra pas demain. Mais dans 10 ans, dans 20 ans, quand il sera impossible d’établir un lien de causalité, que l’entreprise aura fait faillite ou qu’elle aura changé de nom.


Un député invite en même temps les inactifs à rester chez eux et les travailleurs à sortir travailler, aucun risque, pour éviter que la production s’en ressente. Dans un monde de flux, la crainte c’est la paralysie de la vie urbaine en raison d’un accident majeur.

La Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Normandie) estimait le risque d’accident pouvant entraîner un incendie à une périodicité assez confortable : « au maximum une fois tous les 10 000 ans ». On peut donc prévoir avec une certitude mathématique que le prochain incendie à l’usine Lubrizol de Rouen aura lieu le 26 septembre 12 019.


Il est curieux que ceux-là mêmes qui prêchent le principe de précaution ne prennent aucune précaution avec leurs principes.

11h58 : alors que le ministre Castaner s'apprête à prendre la parole pour faire un point-presse sur l'incendie de Lubrizol, on apprend que Chirac est mort. Définitivement, il ne se baignera pas dans la Seine, à Rouen, ce jeudi 25 septembre 2019.



dimanche 8 septembre 2019

Yann Moix

Niort dans Sérotonine de Michel Houellebecq, Orléans dans Orléans de Yann Moix : les villes moyennes de province prennent cher dans la littérature, en ce moment.

On a tellement parlé du livre de Yann Moix qu’on peut se dispenser de le lire.

Victime ou bourreau, là est la question : le père, les deux frères. Baudelaire introduit dans Les Fleurs du mal une autre catégorie, un mot grec impossible à écrire et à prononcer : L’Héautontimorouménos. Traduction : le bourreau de soi-même. 
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Il semble bien que Yann Moix appartienne à cette catégorie du bourreau de soi-même, et qu’en passant à l’écriture, il confonde les formes réfléchies, actives et passives du verbe.

La pire violence que puisse exercer un écrivain consiste à faire disparaître une personne du livre où il aurait dû normalement trouver sa place. Ainsi de Yann Moix qui efface la présence d’un frère. C’est cette absence même qui est l'indice du mauvais traitement.

À l’appel de son nom, le petit Yann Moix entendait Y’a Moi, Y’a Moi. Comment un autre pouvait-il exister ?

Grâce au genre de l’autofiction, l’écrivain gagne sur les deux tableaux, l’auto et la fiction. Il écrit « roman » sur la page de titre, mais dans les interviews, il parle à la première personne en assumant le « pacte autographique », c’est-à-dire le contrat de vérité qui établit l’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage principal : Yann Moix raconte l’histoire de Yann Moix, et il persiste et signe Yann Moix sur la couverture. L’accuse-t-on d’affabuler, il se retranche derrière le contrat de confiance de l’autobiographie ; lui reproche-t-on de laver son linge sale en public ou sa propre famille le menace-t-elle d’un procès qu’il brandit l’étiquette « roman ». L’autofiction lui ménage deux portes de sortie.

jeudi 1 août 2019

Steve. Faits d’été


Ollioules-sur-adverbes
Les suspects avaient minutieusement préparé leur coup. Is étaient lourdement armés. Ils ont mystérieusement disparu. Ils étaient défavorablement connus des services de police. Ils sont activement recherchés.

Steve
Il était tombé à l’eau et il ne savait pas nager. On se demandait où il était passé.

Les journalistes restent objectifs : « Le jeune homme est tombé à l’eau alors que la police intervenait. » Un autre se risque : « Le jeune homme est tombé à l’eau lors d’une intervention controversée de la police. »

D’après la police des polices, il n’est pas possible d’établir un lien entre l’intervention policière et la disparition du jeune homme. La victime aurait reculé quand les forces de l’ordre ont avancé, mais personne ne l’a poussée à l’eau. Il n'y a donc pas de lien.
Si la victime n’avait rien eu à se reprocher, elle n’aurait pas tenté de se cacher sous l’eau.
Sur les 14 teufers qui ont choisi de plonger, 13 sont ressortis indemnes. Le quatorzième n’a pas refait surface : quelle idée, aussi, d’habiter au bord d’un fleuve et de venir chanter sur un quai sans savoir nager ? La faute de la noyade incombe d’évidence à ses parents qui ne lui ont pas donné de cours de natation. Et en second lieu aux organisateurs qui n’ont pas prévu de barrières anti-chutes et qui n’ont pas équipé chaque teufer de brassières.
Un policier, qui préfère rester anonyme, va plus loin : il soupçonne la victime d’avoir pris la fuite cette nuit-là pour échapper à la convocation du lendemain, de s’être cachée en bénéficiant de complicités qui resteront à établir, et enfin de s’être volontairement noyée pour devenir un symbole et attiser la haine.

Les journalistes restent positifs : « Maintenant que le corps a été repêché, la famille et les amis de Steve vont pouvoir commencer leur long et douloureux travail de deuil. Ici Nantes, de notre envoyé spécial. »

Moralité : tout corps plongé dans la Loire sans savoir nager peut être considéré comme noyé au bout de la nuit.

La musique adoucit les morts.

mardi 23 juillet 2019

Greta Thunberg


Elle ne dit pas « je » mais « nous ». Elle ne donne pas son opinion, ses idées, elle parle au nom de la science, des scientifiques, de la vérité objective. Elle prend les choses au sérieux, au tragique. C’est l’anti-Pape François, qui disait : « N’ayez pas peur. » On ne savait pas de quoi il fallait ne pas avoir peur. Elle dit, au contraire : ayez peur, paniquez, l’heure est grave. Elle sourit rarement, son visage est presque impassible, sa bouche est de travers quand elle parle. Ses yeux sont souvent fixes, un peu hagards. Elle ne cherche pas à séduire. C’est l’anti-Lolita absolue, à l’âge où les filles sont hypersexualisées. Elle ne se met pas en frais, avec sa raie approximativement au milieu, ses nattes d’un autre temps et ses habits sans marque. Elle n’a pas la mièvrerie de l’enfance ni les manières de la jeune fille. Elle n’outre pas ses effets, parle avec calme, d’une voix posée, en déroulant ses phrases avec une implacable nécessité : elle laisse parler à travers elle une vérité qui la dépasse. Avec juste l’humour suffisant pour montrer qu’elle n’attaque pas mais qu’elle sait se défendre.

On la dit autiste asperger. Mais le monde existe pour elle et elle voudrait le sauver. Les autres existent : elle s’adresse constamment à eux. Elle a transformé sa raideur en rigueur. Que la vérité sorte de la bouche d’une adolescente « différente », accrochons-nous à cet espoir, si les adultes « normaux » ne sont ni audibles ni efficaces.

dimanche 30 juin 2019

La rue l’été


On meurt plus à la rue l’été que l’hiver. La chaleur tue plus que le froid. D’où vient pourtant que les climatisés que nous sommes passent indifférents à côté des mendiants qui se chauffent au soleil ? C’est peut-être qu’il nous est resté dans l’oreille les paroles d’une chanson :
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
Le soleil étant associé aux vacances, dans l’esprit de ceux qui en prennent, comment plaindre les sans travail qui bénéficient ainsi d’un temps de vacances ? Cette indifférence tient aussi à un réflexe enraciné dans le cerveau reptilien : le grand froid rend solidaire, on protège sa nichée, on partage sa peau de bête, on referme les bras sur sa progéniture et on lui frictionne le dos. Mais la chaleur rend égoïste : au large, éloigne-toi que je respire, de l’air, de l’air.

Ce matin, sur le marché, une femme assise dans ses jupes déchirées, qui hurle après les passants : « une pièce, nom de Dieu, donnez-moi une pièce ! » La misère lui a fait perdre la tête. On la regarde de loin, on fait un crochet pour l’éviter. Ce n’est pas la misère qui fait peur, c’est la folie qui résulte de la misère.

Typologie des mendiants : le mendiant timide qui ne demande rien, mal placé, presque caché (peut-être par calcul, pour apitoyer : il feint de ne pas même connaître le métier) ; le mendiant agressif qui n’a pas besoin de chien pour effrayer ; le mendiant provocateur qui demande « un euro à manger » en tenant une canette de bière à la main (et le bourgeois qui lui répond : d’abord, on dit bonjour, on ne dit pas « un euro à manger », bois de l’eau et garde ton argent pour t’acheter un sandwich). Y a-t-il autant de types de mendiants que de types humains, ou bien la mendicité crée-t-elle des types nouveaux ?

L’accordéoniste maigre à la peau tannée a disparu du jour au lendemain. Été comme hiver, il était assis au même endroit sur un siège pliant. Il souriait, comme heureux de rendre heureux en faisant des sons. Est-il mort de misère ? Soigné dans un hospice pour nécessiteux ? Parti dans une autre rue, un autre quartier, un autre pays où les passants seraient plus généreux ? Et pas d’adresse où se renseigner.

Ce mendiant poli qui dit toujours bonjour et merci, au passant habituel qui ne sort jamais la main de sa poche, il faudra bien un jour le surprendre en lui donnant une pièce. Mais ce serait presque rompre un pacte tacite de non don entre le passant avare et le mendiant reconnaissant quand même.

Le très vieux monsieur qui chante du Brassens a cappella, et qui chante juste, on l’a connu debout, puis assis, de plus en plus voûté. Il est si vieux, si vieux, il a dépassé la limite d’âge pour chanter dans les rues. On s’arrête, on écoute sa voix voilée, certains voyeurs le photographient, de jeunes couples poussent leur enfant avec une pièce pour lui apprendre la charité, c’est un monument de misère qui chante et n’enchante plus. Ce pourrait être notre grand-père, celui dont on ne s’occupe pas. On lui tourne le dos, on a mal, on a honte, on se sent coupable de s’éloigner, les bras chargés de courses, sans rien lui donner. Il faudrait s’approcher trop près de cette misère pour déposer une pièce jaune ou rouge dans le chapeau.


dimanche 16 juin 2019

Vous reprendrez bien un peu de Jaune


Les services officiels ont fait croire à la population que les caméras de surveillance servaient à les protéger des agresseurs, jusqu’au moment où chacun a découvert dans l’œil de verre qu’il était le principal suspect.

Si les pays pauvres n’acceptent plus de recevoir les déchets des pays riches, malgré la manne que contiennent nos résidus, bientôt on verra sous nos climats les immigrés refuser de faire le ménage dans nos maisons, de vider nos poubelles et de pousser le balai dans nos caniveaux.

Entendu : « C’est quand les Gilets jaunes sont masqués qu’ils montrent leur vrai visage. » De samedi en samedi, le mouvement décroît. Si l’on prolonge la courbe descendante au même rythme, il n’en restera plus qu’un en 2053.

Au lieu de décompter les Gilets jaunes, toujours moins nombreux, les journalistes pourraient à l’inverse s’étonner que les semaines passent et que la mobilisation dure. Un historien des médias « couvrant » (dans les deux sens) ce que l’on appelle les « mouvements sociaux » établira plus tard des phases : l’incompréhension des gens dont le métier est d’être bien informés, l’embarras quand ils ne peuvent plus employer les mots infantiles de « grogne » ou de « colère » pour désigner l’état du peuple, l’arrogance des interviewers sur les plateaux sommant leurs invités de dire clairement ce qu’ils veulent, la feinte terreur cachant l’aubaine de l’audience devant les violences, la condescendance paternaliste des observateurs de la vie politique qui conseillent aux égarés de rentrer chez eux maintenant qu’ils ont obtenu quelque chose, le soulagement qu’on soit enfin passé à autre chose.

samedi 8 juin 2019

ComméMORer


Entendu à la radio : « Il ne faut pas courber l’échine devant la Chine. » « En Afrique du Sud, le vote blanc est pris en compte. »

La ministre des Armées assure que les armes envoyées par la France au Yémen ne servent jamais à l’attaque, mais seulement de manière défensive. Comment s’assurer qu’une arme vendue à un pays en guerre sale n’est utilisée que passivement ? Il suffit de l’avoir spécifié dans le contrat commercial. Un employé du ministère de l’économie précise par ailleurs que si on ne vendait pas beaucoup d’armes à l’étranger, il serait impossible d’en produire pour nous à un prix raisonnable.

Un 6 juin, la mer et le sable étaient rouges de sang. Un 4 juin, c’était la plus grande place du monde. Les dirigeants avaient donné l’ordre de « nettoyer la place ». Mais elle était plus sale après qu’avant. Il a fallu procéder à un second nettoyage de cette place, plus en profondeur que le premier, car les tanks lancés sur les tentes encore occupées par des étudiants l’avaient recouverte d’une épaisse pâte de chair humaine, assez collante. On s’explique ainsi qu’il est difficile d’établir le nombre exact des victimes, à l’unité près.

samedi 18 mai 2019

Deux panthéonisables


Un chiffonnier a retrouvé dans la poubelle d’un ministère un papier confidentiel. On ne sait comment il a échappé au destructeur de documents. Il est constitué de deux zones : un texte imprimé en pleine page, et une longue annotation marginale manuscrite. On ne relève pas d’en-tête ni de signature. Deux photos occupent le haut de la page.



Objet : Proposition d’entrées au Panthéon

Deux hommes d’exception viennent de disparaître, à quelques jours d’intervalle (26 avril, 7 mai) :
1) Julien Lauprêtre (1926-2019), président du Secours populaire depuis 50 ans. On l’appelait « l’abbé Pierre laïc ». L’abbé Pierre étant de son vivant, et même après sa mort, la « personnalité préférée des Français », le gouvernement tirerait un bénéfice politique à honorer sa version laïque. Il a consacré sa vie aux pauvres : journée des oubliés des vacances pour les enfants qui ne partent pas ; Pères Noël verts pour ceux qui ne trouvent rien dans leur soulier. Un président des Pauvres au Panthéon : tous les pauvres y entreraient avec lui.
2) Jean Vanier (1928-2019), fondateur de l’Arche, autre ami des pauvres, des humiliés, des rejetés, des exclus. 50 ans aussi à la tête de sa Fondation, qui accueillait les déficients mentaux. Avec lui, tous les exclus entreraient au Panthéon.
Deux exemples pour une République fraternelle, pauvres inclus. Le gain symbolique serait significatif pour l’exécutif, en infléchissant son image dans l’opinion publique.

Note en marge
1) J. L. Relisez sa nécro : fils d’un cheminot, communiste, ouvrier miroitier à ses débuts. Vous imaginez entendre ça dans le discours de réception : « Entre ici, communiste… » ? « Secours populaire » : expression impossible à prononcer, pareillement. A donné des illusions aux enfants pauvres, en leur faisant croire que le Père Noël existe et que les vacances ne se méritent pas par le travail. Ses Pères Noëls verts sont une concurrence déloyale à l’Arbre de Noël de l’Élysée, œuvre caritative. On dit qu’il a toujours vécu dans le même HLM, aux côtés de son épouse, connue avant-guerre. Un tel exemple de stagnation sociale est contre-productif pour les jeunes générations. C’était un homme discret : qu’il le reste après sa mort. La France a besoin de vrais héros. Qui connaissait son nom ? Inutile de sortir un anonyme de son anonymat. Le bénéfice politique serait maigre, à faire croire aux pauvres que la Patrie peut être reconnaissante à l’un d’entre eux. Avis négatif.
2) J. V. Mélange de Suisse et de Canadien, pas Français. Issu d’une aristocrate et d’un diplomate, promis à une glorieuse carrière d’officier de marine : le choix des moins que rien offre à la jeunesse un déplorable exemple de déclassement par en bas, alors qu’il faut tirer la France vers le haut. Chrétien de gauche : pour la gauche, on a déjà Jaurès, et pour y représenter les misérables, Hugo suffit. Avis négatif.

PS : d’ailleurs, on ne fait plus entrer ici que des femmes, jusqu’à la parité.

dimanche 21 avril 2019

Le sage-homme


Madame le secrétaire perpétuel de l’Académie française ne voit pas d’un mauvais œil la féminisation des noms de métiers (une chèfe, ou une cheffesse, ou une cheftaine, ou une chève, entendue dans l’expression : « elle, ma chève »), mais résiste à l’accord au féminin des noms de fonction, par exemple le secrétaire de l’Académie française, au motif que « contrairement au métier, une fonction est distincte de son titulaire et indifférente à son sexe ‒ elle est impersonnelle car elle ne renvoie pas à une identité singulière, mais à un rôle social, temporaire et amissible*, auquel tout individu peut, en droit, accéder. […] une fonction n’appartient pas à l’intéressé : elle définit une charge dont il s’acquitte, un rôle social qu’il assume, une mission qu’il accomplit. On n’est pas sa fonction : on l’occupe » (Rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions, séance du 28 février 2019). Pour une institution qui veut dire l’usage sans prescrire, voici une affirmation risquée, en ce qu’elle assimile, a contrario, le métier et la personne. Pourquoi donc le métier définirait-il l’essence de l’homme ou de la femme, justifiant ainsi l’accord en genre ? Est-ce qu’on est son métier ? Reprenant la formule académique de la fonction qu’on n’est pas mais qu’on occupe, il est tout aussi justifié d’affirmer qu’on n’est pas son métier, mais qu’on l’exerce. Dans la volonté d’identifier métier et personne, et d’introduire au contraire une « distance […] entre la fonction et l’individu qui l’exerce, et qui tient au caractère abstrait, général, permanent et impersonnel de celle-ci », se manifeste un raisonnement de classe sociale (le métier en bas de l’échelle, la fonction au sommet) qui reconduit subrepticement la domination du masculin abstrait pour les fonctions du sommet, réservées aux hommes, et ouvertes aux femmes si elles abdiquent leur féminité. Sur le site de l’Académie, fort bien fait, les « Immortels » restent au masculin. On s’y attendait un peu.

Jean Genet s’amusait (mais où ?) de l’opposition croisée entre la sentinelle et le petit rat (je ne suis pas sûr du deuxième nom, qu’on pourra remplacer par un autre, d’un masculin désignant un emploi typiquement féminin). La féminisation des noms, comme l’écriture inclusive, accentue la distinction des sexes. La prochaine étape sera sans doute une grammaire transgenre.

Il est étrange qu’on entende plus vaine dans écrivaine que vain dans écrivain, alors que la vanité semble mieux représentée du côté des mâles qui écrivent.

*AMISSIBLE : adjectif emprunté au vocabulaire juridique ou théologique : « qui peut être perdu ». Ce mot savant est surtout destiné à signifier que le présent discours est écrit par des Académicien.ne.s.

dimanche 7 avril 2019

Roman


« La demande de libération conditionnelle de Jean-Claude Romand a été rejetée, le 8 février 2019. L’histoire de Jean-Claude Romand avait inspiré le roman d’Emmanuel Carrière, L’Adversaire, lui-même adapté en film. » Les journalistes ajoutent cette précision, parce que personne ne se souviendrait du nom de ce mythomane, sans un roman.

Le Lambeau s’est vendu à 300.000 exemplaires, et il continue à se vendre, malgré son titre déplorable. Ce n’est pas même pas un roman, c’est un documentaire, un récit à la première personne. Et dire qu’on a failli lui donner le Goncourt, alors que l’auteur n’a rien inventé. Il a simplement raconté ce qui lui est arrivé. Tout le monde peut en faire autant.

« Mort de l’un des meilleurs romanciers de sa génération. » Voilà qui laisse quelques places au premier rang pour les survivants, lesquels pourront suivre son cercueil sans lui en vouloir.

L’Académie française refuse les médiocres qui la désirent, et désire les Grands qui n’en veulent pas. La pièce semble écrite par Racine, qui occupa le fauteuil n° 13, aujourd’hui vide.

dimanche 24 mars 2019

Alerte aux lanceurs


Dans une époque du chacun pour soi, il est suspect qu’un individu préfère l’intérêt général à son intérêt particulier. Il faut donc que le lanceur d’alerte cache une motivation inavouable sous son apparent dévouement au service du public.

Un grand et gros avocat, à juste titre, jetait la suspicion sur tel lanceur d’alerte qui avait trahi la confiance de son employeur (paroles d’avocat), après avoir tenté de monnayer son silence. La démonstration est faite que tous les lanceurs d’alerte sont des maîtres-chanteurs refoulés.

On voudrait faire des lanceurs d’alerte les héros des temps modernes dominés par la corruption du néo-capitalisme financier, alors qu’ils en sont les produits les plus avariés.

Comment croire ces inconscients quand ils affirment obéir à leur conscience, et placer la morale au-dessus de leur avancement dans la carrière ?

Si on considérait comme honnêtes les lanceurs d’alerte, il faudrait tenir les patrons des entreprises qu’ils dénoncent pour malhonnêtes, ce qui ne se peut dans une économie mondialisée qui doit inspirer la confiance pour être bien cotée en bourse. (Avec l’aide de Montesquieu.)

Jusqu’à quelle extrémité ne pousse pas le désir du quart d’heure warholien de célébrité ?

dimanche 10 mars 2019

Les cris du marché


Le poissonnier : « Pour l’alimentation, on préfère avoir le soleil dans le dos. »

Un client cheveux au vent : « C’est le jour où les poubelles volent. »

Un autre client, chez le marchand de fruits et légumes : « Si tu vas chez Leclerc, tu payes à chaque fois que tu passes à la caisse. »

Le charcutier Chez Guy-Guy : « Une journée sans boudin, c’est une journée chagrin. Mon andouille, j’ai une belle andouille, qu’est-ce qu’elle est belle mon andouille ! Et ma poitrine, j’ai aussi une belle poitrine ! »

samedi 2 mars 2019

Gilets jaunes, acte qui précède le suivant

Paroles de journalistes :
Les Gilets jaunes se sont élancés.
Pour l’instant, tout se passe dans le calme (variante : dans un climat bon enfant).
Entre les manifestants et les policiers, c’est le jeu du chat et de la souris (vieux : du gendarme et du voleur).
La situation se tend, la situation est tendue.
« La dispersion est difficile parce qu’il y a des provinciaux qui ne connaissent pas forcément bien Paris » (BFMTV, acte XV).








Les manifestants étonnent une marseillaise.
Il en faudrait sans doute plus. Mais il est étonnant, en effet, que la Marseillaise ait remplacé l’Internationale, dans les luttes. C’est une révolte franco-française, au nom des valeurs de la République, les drapeaux bleus blancs rouges sont brandis ou servent de capes, les slogans s’écrivent souvent en suivant les trois couleurs.

Chaîne d’info en continu cherche des experts (m/f, femmes souhaitées car on a du mal à faire un plateau à parité) prêts à dire que le phénomène des Gilets jaunes échappe à leur grille d’expertise.

Ils marchent, ils marchent, ce n’est pas pour aller s’immobiliser sur les bancs d’une Assemblée. Ils regardent devant eux, et on voudrait qu’ils lèvent les yeux vers un Chef.

Le système néolibéral a pulvérisé la société en autant de consommateurs personnalisés qu’il y a d’individus physiques. Et on voudrait que ces sujets renoncent désormais à leur moi-je pour déléguer leur voix à un porte-parole et aliéner leur vote à des représentants. Les politiques sont restés à l’âge où l’on faisait crier les décisions par les gardes-champêtres devant les sujets en cercle, alors que les réseaux sociaux ont supprimé le centre, le point haut de la pyramide et le premier de cordée.

Pendant la période des manifestations des GJ, les statistiques à venir remarqueront que les suicides étaient en baisse.

Le Cacatov a été inventé sur le modèle du cocktail Molotov : à la portée de tous, pas cher, biodégradable, très efficace comme engin de désencerclement, pour repousser l’ennemi. Flaubert avait inventé (ou trouvé dans les sources antiques) de telles munitions : « Un redoublement de fureur animait les Barbares. […] Ils imaginèrent de mettre dans les catapultes des vases pleins de serpents apportés par les Nègres […] ; ils lançaient toutes sortes d’immondices, des excréments humains, des morceaux de charogne, des cadavres. La peste reparut » (Salammbô, chap. XIII, « Moloch »).

jeudi 14 février 2019

Saint Valentin


sur le trottoir de la fleuriste
des hommes font la queue
un mendiant demande une pièce

chez Paul, une femme seule
commande un feuilleté
en forme de cœur, si possible

c’est lui qui apporte la bouteille
dans la cave à vins Nicolas
laquelle choisir ?

lundi 11 février 2019

Luc Ferry recalé à l’Académie française


Les Gilets jaunes ont sans doute coûté à Luc Ferry son habit vert. C’est en tout cas ce que laisse entendre la dépêche de l’AFP du 31 janvier 2019, titrée : « Le philosophe Luc Ferry refusé de l’Académie française », avant de donner le détail du vote infâmant : 6 voix sur 29 au 3e tour, et neuf bulletins blancs marqués d’une croix, en signe de récusation de tous les candidats. Dans cette dépêche, la tête du philosophe, à la chevelure en ailes de corbeau raie au milieu et bouche incurvée à l’envers, comme dans un émoticon de grise mine, est ainsi légendée : « L’ancien ministre Luc Ferry a appelé les forces de l’ordre à “se servir de leurs armes pour mettre fin aux violences dans les manifestations de Gilets jaunes” ». La dépêche met donc explicitement en relation la déclaration du philosophe et son éjection du fauteuil académique de Michel Déon.

Pourtant, il doit se trouver parmi les 40 sages (un peu moins, il y a toujours des fauteuils à pourvoir) de farouches défenseurs de l’ordre, au moins de la langue. C’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher les vraies raisons du rejet. Car l’ancien ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche dans les gouvernements I et II de Jean-Pierre Raffarin, n’a pas prononcé la phrase bien construite que l’AFP lui a prêtée par charité. Il a dit exactement, le verbatim de l’émission « Esprits libres » sur Radio Classique du 7 janvier 2019 en fait foi : « Quand on voit des types qui tabassent à coups de pieds un malheureux policier… qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois, écoutez, ça suffit ! […] Je pense qu'on a une armée, on a, je crois, la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies, il faut dire les choses comme elles sont. » Les linguistes et les grammairiens de l’Académie ont tenu à sanctionner les mots de style bas (tabasser, saloperies), la tournure populaire « ça suffit », la violente anacoluthe aggravée d’une insupportable syllepse (quand on voit… un malheureux policier / qu’ils se servent). Ainsi l’ordre du dictionnaire et de la rhétorique est-il bien défendu par les policiers des Lettres que sont les Académicien.ne.s.

Mais les penseurs de l’Assemblée ont eu un autre grief. Pour répondre aux critiques suscitées par ses propos, le philosophe a déclaré sur twitter : « Je n'ai évidemment jamais appelé à tirer sur les Gilets jaunes dont je défends le mouvement depuis l'origine. Je demande simplement que les policiers puissent se servir comme ils le demandent de leurs armes non létales quand certains cherchent carrément à les tuer. Clair ? » Malgré le monosyllabe de conclusion qui vise à emporter l’adhésion en éteignant la polémique, les esprits scientifiques de la docte assemblée ont remarqué le flottement logique entre l’emploi absolu du mot « armes », renforcé par « armée », dans la première déclaration, et le même mot limité par un déterminant dans la seconde : « armes non létales ». Un tel flottement dans l’expression trahit une inconstance de pensée. Le philosophe qui revendique de « dire les choses comme elles sont » aurait dû persister dans son être, en affirmant que les choses étaient bien comme il les avait dites. Tant d’approximation augurait mal d’une collaboration fructueuse à la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française.

samedi 2 février 2019

Impressions d’expressions


Loué soit l’ami qui prononce « divers » et qui s’arrête juste avant d’ajouter « et variés ».

La comédie humaine (rebaptisée « récit national ») commence par l’épopée des héros, se continue par la tragédie des victimes et se termine en farce des martyrs.

Dans Les estivants, film de Valeria Bruni Tedeschi, cette réplique : « Quelle différence entre une comédie et une tragédie ? La comédie s’arrête à temps. »

« Le clash est un mot-valise dans lequel on range tout » (France-Inter, 8 septembre 2018).

Le Pape maintient le célibat des prêtres, mais il est prêt à envisager quelques dérogations « dans les lieux les plus éloignés – je pense aux îles du Pacifique » et en Amazonie. Les demandes de mutation sont reçues au Vatican.


dimanche 20 janvier 2019

Mettre KO

Le maire de Bourges tient à préciser que les habitants de sa ville ne s’appellent pas des Bourgeois et des Bourgeoises.

Descendu de son piédestal, le Roi se dresse debout au centre, entourés d’assis. Dans cette nouvelle manière circulaire et horizontale d’occuper l’espace, on ne voit toujours que lui.

Au lieu de s’adresser à des chercheurs, des chansonniers et des patrons, les conseillers en com de la Fondation Alzheimer auraient été mieux inspirés de photographier pour leurs affiches des CRS et des casseurs : là est la vraie violence, à côté de laquelle l’usage qu’on peut en faire dans le registre marchand pour frapper au porte-monnaie les donateurs que nous sommes, est pathétique. Oublions ça.


samedi 5 janvier 2019

Priorité au direct


Et maintenant, Gilets jaunes réfléchissants, réfléchissez ! (Jacques Rigault, ou à peu près).

« On peut craindre que la destruction des radars amène une accidentalité plus forte » (France-Inter, 28 décembre 2018). L’accidentalité a fait une première victime, quand un gros dictionnaire est tombé sur la tête de l’invité.

« Il y a un risque de rixe » (France-Inter, 31 décembre 2018). Dans le prochain album posthume d’Astérix, dont l’action se passera à nouveau dans un petit village de Gaulois réfractaires, Risquederix portera une saie et des braies jaunes.

Après avoir longtemps commenté l’actualité, le journaliste tunisien Abdel Razzaq Zorgui s’est dit qu’il serait temps de la changer.

C’est au moment où les gens peinent à remplir leur frigo que les médias multiplient les émissions sur la gastronomie. On a besoin de Marx, et c’est Thierry qu’on nous sert sur un plateau.