jeudi 19 novembre 2020

Vesoul

« T’as voulu voir Vesoul, et on a vu Vesoul. » Vesoul avait déjà pris cher avec la chanson de Brel. Et maintenant son nom est associé au procès de Jonathan Daval. Le maire serait fondé à porter plainte pour atteinte à l’image de sa ville.

Le meurtrier dit qu’il est passé à l’acte après que son épouse lui a demandé un rapport. Il y a là matière à plaider la légitime défense pour tentative de viol.

Les journalistes commencent à le nommer Jonathan. On sent comme un début d’empathie à l’égard de cet adolescent qui pleure. Il pleure deux fois : parce que sa femme est morte, parce que c’est lui qui l’a tuée. Et une troisième fois, parce qu’il ne supporte pas l’idée.

samedi 14 novembre 2020

Qui perd gagne

Donald Trump ayant été un mauvais gagnant, on ne voit pas comment il serait un bon perdant.

Le Président joue au golf entre deux séances de travail à la Maison Blanche. Ce ne serait pas plutôt l’inverse ?

Il paraît que des morts ont voté pour Jo Biden. Est-ce une raison pour contester la validité de leurs bulletins ? Maintenant qu’ils sont dans l’éternité, ils en connaissent plus long que les vivants sur l’avenir.

« Les Suprématistes sont chauffés à blanc par les réseaux sociaux » (un expert).

jeudi 12 novembre 2020

Revoyure

« À la revoyure ! » On croyait l’expression vulgaire. On apprend au contraire qu’elle fait partie du langage juridique et politique très sérieux : « clause de revoyure ». On se revoit régulièrement pour dire que rien n’a bougé.

Le laboratoire de biologie précise qu’il n’a pas de vocation vétérinaire et que les prélèvements nasopharyngés ne sont pratiqués que sur des nez humains.

Les vidéos parodiques dénonçant la mauvaise gestion de la pandémie par le gouvernement redeviennent virales.

À la Covid s’ajoute la grippe aviaire. On peut s’en protéger avec des masques bec-de-canard.

« Les lits de la salle de réveil resteront armés » (communiqué du front).

Partis pour faire un tour du monde, les skippers du Vendée Globe ont dû regagner le port des Sables-d’Olonne après avoir dépassé le rayon maximal d’un kilomètre autour de leur domicile.

Un ami me fait remarquer qu’on aurait dû se méfier de l’année 2020 : 20 + 20 = quarantaine. Je me demande s’il a trouvé ça tout seul ou s’il l’a recopié quelque part.

mercredi 11 novembre 2020

11/11 20-20

Avec Maurice Genevoix, auteur de Raboliot, ce sont tous les braconniers qui entrent au Panthéon.

Sur son cercueil, on a posé une épée. Un invité de la télé a demandé si c’était bien avec celle-là qu’il avait combattu, baïonnette au fusil.

« Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts », et suivait une très longue période. André Malraux avait lu Bossuet et Chateaubriand. Emmanuel Macron, à bonne école, fait bref : « Ils sont là. Puis, écrire. Leurs lieux, leurs vies. Ils entrent ici, enfin. » Sors d’ici, Marguerite Duras.

Les champs de boue, les chants debout. Toute l’histoire.

Quand on pense que le soldat inconnu a été choisi parmi huit cercueils, on plaint les sept autres d’être restés dans l’anonymat.

Maurice Genevoix cumule l’immortalité de l’académicien et l’immortalité du panthéonisé. Il va devoir choisir.

lundi 9 novembre 2020

Le livre, invaincu

Prenant acte qu’il n’y a plus de lecteurs, les jurés des prix Femina et Médicis ont annoncé leurs lauréats quand les librairies sont fermées.

Les deux couronnés n’ont pas caché leur joie, mais un peu mieux leur dépit d’avoir ainsi passé leur chance d’obtenir le Goncourt, en temps normal décerné avant les deux autres.

N’ayant été distinguée ni par le Femina ni par le Médicis, Amélie Nothomb garde toutes ses chances pour le Goncourt.

Joncour a raté le Goncourt, à peu de choses près.

Mais le grand livre de cette rentrée, hors Goncourt, c’est le premier roman de Raphaël Enthoven, Le Temps gagné. Un chef d’œuvre qui rejette dans l’ombre Le Temps retrouvé. D’après le critique littéraire de Gala, on s’y trouve nez à nez avec Béatrice : elle a un « cul si rond qu'il en était ovale ». Il faut être bon géomètre pour se le représenter. Une comparaison aide à mieux le visualiser : il est « bombé comme un fruit de Cézanne », donc plutôt rond, puisque Cézanne a peint des pommes et non des poires. Enfin, dernières caractéristiques pour le reconnaître si on le croise : « athlétique, invaincu ». Il est fort probable que ce dernier adjectif, invaincu, soit une fausse transcription de la parole du philosophe pressé pratiquant la dictée vocale : il aurait dû ménager une pause entre chaque syllabe.

samedi 7 novembre 2020

Robinette

En apprenant sa victoire, Jo Biden (77 ans) est mort de joie. Quand il a su qu’il gagnait par disparition de son adversaire, Donald Trump s’est étranglé avec son hamburger. Et c’est ainsi que, pour la première fois dans leur histoire, les US ont eu pour président une présidente, et de couleur.

Moi ou le chaos. On connaît l’alternative. Elle prend tout son sens quand c’est le Chaos en personne qui parle.

Se trumper : anglicisme qui signifie non seulement faire passer ses mensonges pour des vérités, mais croire à ses propres erreurs.

Tweet : après les bulles papales et les oukases tsaristes, manière moderne de gouverner en 280 caractères.

Les Shadocks comptaient, comptaient à l’infini, et quand ils avaient terminé, ils recomptaient. Arrivés au bout, ils pouvaient toujours ajouter 1 au total précédent, ce qui semait la discorde, les Shadocks aimant les opérations qui tombent justes. 
 

jeudi 5 novembre 2020

Quoi et coi

Deux mois déjà sans son mot à dire. C’est que, chaque jour, comme écrivait un autobiographe, « le sujet dépasse le disant ». Pour Stendhal, il s’agissait d’amour, sa grande affaire. Pour le bloggeur du jour, ce sont les nouvelles du monde extérieur. Elles passent si vite, sont données avec tant de mots répétés en boucle, qu’y ajouter augmenterait la cacophonie.

Par exemple, ce re-confinement. Les optimistes disent « second confinement » ; les pessimistes « deuxième confinement », les amateurs de série « confinement saison II ». Les linguistes rient sous le masque. Ils sont les seuls à percevoir la nuance.

Un ami plaint les gens qui ont mauvaise haleine : sous le masque, c’est insupportable.

L’un des avantages du masque consiste à pouvoir faire semblant de ne pas reconnaître quelqu’un qu’on n’a pas envie de saluer. C’est la vraie distanciation sociale, autre chose que la distance physique, avec laquelle on la confond souvent.

Toute l’expression se concentre désormais dans le regard : les rides, les pattes d’oie, l’éclat. L’âge se lit sûrement dans cette mince ouverture de heaume médiéval. Surprise quand l’autre enlève le bas (du visage).

J’ai même croisé des Orientaux sans masque.

En 1914-1918 aussi, la guerre sanitaire avait suivi la guerre tout court ; la grippe espagnole avait fait plus de victimes que la boucherie. Économiquement, un même vocabulaire sert pour les deux guerres d’aujourd’hui, contre les ennemis invisibles de l’intérieur : rempart, mesures de sécurité renforcées, contrôles de police, fronts, surveillance. Et le compte des morts.

Revoilà les calamités liées au confinement, qu’on pensait ne plus subir : les films avec de Funès, les émissions de cuisine, les experts, les psychologues qui expliquent comment passer cette période difficile, les blogs de confinés heureux pour qui ça ne change pas grand-chose.

Le rayon papeterie est ouvert, mais pas le rayon livres. On peut toujours écrire.

Le casse-tête de Jean Castex : « Il a fermé la porte à une réouverture » (un journaliste).

Monde à l’envers, où « positif » tombe comme un couperet.

Pendant ce temps-là, le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, masqué, fait l’éloge de la non-transparence.