Marieke Lucas Rijneveld a cru qu’il
suffisait de se dire « personne non binaire » utilisant le pronom « iel »,
ni il ni elle et les deux, pour se légitimer comme traductrice du poème The Hill We Climb, lu au Capitole par Amamda
Gorman le jour de l’investiture de Joe Biden. Son éditeur néerlandais Meulenhoff
ne l’a pas retenue quand elle a décidé de se retirer après un article d’une
journaliste noire, dénonçant le « profil inadéquat » d’une femme
blanche, appartenant à la race dominante, qui aurait donné une traduction « trop
belle et trop propre », marquée par « le surplomb de la pensée
blanche ». Selon Janice Deul, l’effet du poème serait « plus
puissant » dans une traduction confiée à « un artiste de la création
parlée, jeune, femme et […] noire ».
Outre la couleur de peau, Marieke
Lucas Rijneveld a le tort d’être poétesse et romancière alors qu’Amanda Gorman
slame ses vers. La blanche est par ailleurs trop vieille, à 29 ans, pour
traduire une jeune poétesse de 22 ans.
L’éditeur Fayard, plus malin, avait
fait savoir que la traduction en français avait été confiée à la chanteuse belgo-congolaise
de 24 ans, Marie-Pierra Kakoma, auteur compositrice interprète, rappeuse
et mannequin (Wikipédia) qui se produit sous le nom anglais de Lous and the
Yazuka.
« Son mot à dire » a voulu
en avoir le cœur net en confiant le poème officiel à quatre traducteurs-trices, en
faisant varier les critères : une noire binaire slameuse, un noir hétéro
qui tient la plume, une slameuse lesbienne blanche, un mâle blanc hétéro moyen qui
n’a jamais rien écrit.
Dès le titre, The Hill We Climb, la différence saute aux yeux :
1. La colline que nous escaladons
2. La colline où nous montons
3. La motte de terre on la gravit
4. Ce petit renflement géologique,
on en viendra à bout.
La preuve est faite, s’il en était besoin, que la couleur de peau, l’orientation sexuelle, l’âge et le mode d’expression, oral ou
écrit, font la différence.
samedi 27 mars 2021
dimanche 7 mars 2021
Époque épique
Là, c’est vraiment la guerre. Les armées s’y mettent, les hôpitaux
militaires sont opérationnels sur le terrain. L’infirmière en chef et en képi énumère
les atouts : ordre, discipline, interventions en urgence, service de la
patrie. Elle pourrait ajouter : frappes chirurgicales dans la cible sans
dégâts collatéraux ni effets secondaires.
Qui a dit que les Français n’avaient pas la tête épique ? Tous les jours les médias écrivent un nouvel épisode de l’épopée vaccinale, avec les bons et les méchants (ceux qui refusent le vaccin, qui ne respectent pas le confinement, qui font la fête dans des caves), le dénombrement des vaccinés, comme Homère énumère les bateaux et les armées en présence, les héros et les victimes, l’avancée sur le territoire. Après L’Illiade, la Vaccinade, jusqu’à la victoire finale.
Les journalistes n’ont jamais été aussi pro-gouvernementaux : la personne invitée émet-elle un doute ou une critique qu’aussitôt l’interviewer lui coupe la parole pour rappeler les mesures du gouvernement, les annonces du gouvernement, les décisions du gouvernement, la difficulté qu’il y a à gouverner et qu’est-ce que vous feriez à sa place ? L’urgence de la situation semble imposer une union sacrée dont les journalistes se font les gardiens, promus en remparts contre toute contestation suspectée de mettre en péril le cordon sanitaire.
Qui a dit que les Français n’avaient pas la tête épique ? Tous les jours les médias écrivent un nouvel épisode de l’épopée vaccinale, avec les bons et les méchants (ceux qui refusent le vaccin, qui ne respectent pas le confinement, qui font la fête dans des caves), le dénombrement des vaccinés, comme Homère énumère les bateaux et les armées en présence, les héros et les victimes, l’avancée sur le territoire. Après L’Illiade, la Vaccinade, jusqu’à la victoire finale.
Les journalistes n’ont jamais été aussi pro-gouvernementaux : la personne invitée émet-elle un doute ou une critique qu’aussitôt l’interviewer lui coupe la parole pour rappeler les mesures du gouvernement, les annonces du gouvernement, les décisions du gouvernement, la difficulté qu’il y a à gouverner et qu’est-ce que vous feriez à sa place ? L’urgence de la situation semble imposer une union sacrée dont les journalistes se font les gardiens, promus en remparts contre toute contestation suspectée de mettre en péril le cordon sanitaire.
mercredi 3 mars 2021
C’est compliqué
C’est compliqué. Dans le monde d’avant, cette
expression désignait un choix de situation amoureuse, en concurrence avec
célibataire, en couple, marié.e ou en attente d’un miracle. Aujourd’hui, elle
accompagne obligatoirement l’évocation de la situation sanitaire et des mesures
à prendre : c’est compliqué.
Tout le monde porte un masque, sauf les Cyrano au nez trop long, les Karl Marx à barbe si fournie que le masque ne cache rien, les complotistes à qui on ne la fait pas, ceux qui n’ont peur de rien, celles qui ne sauraient cacher ce qu’elles veulent montrer, les trop pauvres pour s’acheter un masque, Olivier V* et Jérôme S* qui ont dit que le masque ne servait à rien, ceux qui fument ou qui vapotent, ceux qui postillonnent dans leur portable, c’est-à-dire tout le monde.
Tout le monde porte un masque, sauf les Cyrano au nez trop long, les Karl Marx à barbe si fournie que le masque ne cache rien, les complotistes à qui on ne la fait pas, ceux qui n’ont peur de rien, celles qui ne sauraient cacher ce qu’elles veulent montrer, les trop pauvres pour s’acheter un masque, Olivier V* et Jérôme S* qui ont dit que le masque ne servait à rien, ceux qui fument ou qui vapotent, ceux qui postillonnent dans leur portable, c’est-à-dire tout le monde.
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