samedi 15 mai 2021

Dictionnaire de la Covid

COVID. Nom commun, masculin dans la rue, féminin à l’Académie.

ARMER. En état de guerre, se dit même pour les lits : les hôpitaux ont armé de nouveaux lits de réanimation.

ACTEURS. Personnes qui montent sur scène : les théâtres fermés sont occupés par des acteurs du monde de la culture.

DRASTIQUE. Toutes les mesures contraignantes le sont, et même parfois les chiffres encourageants : « baisse drastique du nombre de morts dans les EHPAD grâce à la vaccination » (France Inter, 14 avril 2021).

ACCÉLÉRER. Rengaine des journalistes optimistes qui soutiennent l’action du gouvernement. Faire suivre par « encore » : on accélère encore, ce qui serait un pléonasme si on n’avait pas démarré très lentement.

ESSENTIEL (L’). La crise a ceci de bon qu’on y revient.

TENDU. Se dit d’une situation quand le tissu est prêt à craquer.

MONDE D’APRÈS. Vieux. Expression du premier confinement, quand on croyait que les choses allaient changer. Maintenant, on sait que Houellebecq avait raison : le monde d’après, ça sera comme le monde d’avant, mais en pire.

NOLI ME TANGERE. Formule utilisée par le Pape en temps de Covid, pour repousser les foules enthousiastes.

ARGUMENT DU PARI. Cent pour cent des gagnants au loto ont tenté leur chance. Cent pour cent de ceux qui n’ont pas joué au loto ont économisé leur mise. Les chances de toucher le jackpot au loto sont de 1 sur 19 millions. On joue quand même. Les risques de thrombose avec le vaccin AstraZeneca sont de 8 sur 1 million. Il vaut mieux se faire vacciner que de jouer au loto.

samedi 1 mai 2021

Le sens de l’humour

Avec le prince Philip, les Anglais ont enterré le dernier souverain so british. Son petit-fils, le prince Harry, a salué un homme « armé d’un sens de l’humour très aiguisé ». Si aiguisé qu’il était parfois tranchant, sur le fil, avec des petites blagues à connotations racistes et sexistes. Mais qui confondrait un discours raciste et sexiste au premier degré et une blague, même mauvaise, qui joue avec le stéréotype ? Certains exemples de « gaffes » du Prince cités par la presse comme preuves de « mauvais goût » montrent d’ailleurs qu’on a totalement perdu le sens du second degré : « Inaugurant une plaque dans un stade de cricket à Londres en 2017 : “Vous êtes sur le point de voir l’expert mondial des inaugurations de plaques”». Ou encore : « Lors d’une visite au Canada en 1969 : “Je déclare cette chose ouverte, quelle qu’elle soit” ». Comble de l’humour : parvenir à l’autodérision.

Grand admirateur de Napoléon, Pierre-Jean Chalandon a trouvé une stratégie pour déserter le champ de bataille. Après avoir dit que des ministres participaient à un dîner clandestin, le collectionneur, sommé de donner des noms, plaide l’« humour ». Déjà qu’on n’identifie plus le second degré de l’humour, comment s’y reconnaître si un indélicat l’utilise pour maquiller le premier degré ?

Quand les médias ont-ils cessé de glisser une blague le 1er avril ? Naguère, et peut-être autrefois, on l’attendait, à la radio. On savait que dans les informations du matin se glisserait immanquablement un poisson. Un 1er avril des années 1980, un présentateur annonça que deux équipes, l’une française, l’autre anglaise, creusant chacune en grand secret de part et d’autre de la Manche, avaient donné le dernier coup de pioche sous la mer et s’étaient serré la main. Signe de dégradation, de baisse de moral, de peur de confusion entre vérité et blague : on n’ose plus accrocher un poisson de 1er avril au dos de l’actualité. Il se trouverait bien un auditeur sérieux pour porter plainte devant la justice, en invoquant l’abus de confiance.