mardi 17 mars 2020

Virus corona


Le coronavirus a fait s’écrouler les ventes de la bière Corona. Lacan avait raison : l’homme est gouverné par la puissance du signifiant. On riait bien que les premiers cas en France se soient produits aux Contamines-Montjoie.

Le coronavirus a fait monter les ventes de La Peste de Camus, comme l’incendie de Notre-Dame de Paris a profité au roman de Victor Hugo. On attend l’événement qui fasse décoller L’Espoir.

Des chiffres de morts, des chiffres de contaminés, des chiffres de patients en réanimation. Mais on attend le premier mort célèbre, qui donnera un visage aux chiffres.

Une amie, par lapsus, écrit coranovirus. Mais oui, c’est cela, on tient l’explication : le virus a provoqué l’annulation des concerts, la fermeture des cafés. Et qui voulait cela ?

On apprend des mots nouveaux : quatorzaine, co-morbidité, distanciation sociale, gestes barrières.

Un évangéliste, après la contamination des fidèles qui s’embrassaient et se donnaient la main : « On croit au miracle, mais on se lave les mains. »

La pandémie, qui paralyse l’économie, aura un effet bénéfique sur les ressources de la planète, dont on dépasse les possibilités de renouvellement vers la moitié de l’année.

Les politiques de santé montrent que la santé est politique. Les régimes tyranniques de contrôle de la personne s’en tirent mieux que les autres. Les Chinois ont adapté leur système de reconnaissance faciale en détection de température à distance. Donald Trump profite de la catastrophe pour enfoncer un coin entre l’Europe et les Insulaires qui viennent d’en sortir. Ceux qui fermaient leurs frontières aux migrants ont désormais une raison sanitaire de les laisser mourir à la porte. Nos régimes créent le consensus de l’urgence, réduisant au silence toutes les oppositions aux réformes en cours. Même les hôpitaux, qui étaient au bord de l’explosion, retrouvent des forces que les soignants à bout ne se soupçonnaient pas. Plus personne dans les rues pour manifester : l’espace public est interdit.

Pourquoi les Français font-ils provision de papier hygiénique ?
— Parce que le mot « hygiène » leur donne l’impression que ce papier-là fait barrière.
— Mais non, c’est parce qu’ils sont dans la merde.

Quand on recommencera à se serrer la main, à s’embrasser, ce sera émouvant comme des retrouvailles après une longue séparation. À moins qu’on ait pris l’habitude de se saluer à un mètre, à la japonaise. Telle amie, que je m’excuse de ne plus embrasser, se déclare au contraire soulagée : « D’ailleurs, j’ai toujours eu horreur des bises ! » Et pourquoi continuer à se serrer la main, alors qu’il ne vient plus à l’esprit de personne qu’on pourrait y cacher un poignard ?

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