Sur le front, qu’est partout et nulle part, y a du
nouveau, et pire qu’avant. C’est encore Ferdinand qui peut raconter. Quand les
galonnés et chamarrés de tous les crachats dorés de la Grande Russie ont vu que
les jeunes recrues se faisaient tirer comme des lapins russes, et que les
appelés répondaient pas, pas plus cons que les autres ils avaient quand même
fini par comprendre où on les envoyait, alors ils ont eu une idée, la seule
peut-être de leur vie à obéir, qu’ils ont proposée comme ça au chef
suprême : aller les chercher en prison.
T’as tué ton père et ta mère et t’en as pris pour
trente ans, eh bien tant mieux, tu vas pouvoir tuer autant que tu veux, et on
ira rien te demander. Chaque petit frère ukrainien que tu ramèneras par les
pieds, ça comptera pour un an de remise de peine. Et l’autre, tu as violé ta sœur
et ta fille, on a besoin de gars bien emmanchés comme toi, tu vas pouvoir jouir
à mort.
Ils refusaient pas, les gars, plutôt que de pourrir
en prison, ils n’avaient rien à perdre, même pas la vie.
Au début, les gradés avaient pas voulu leur donner
des armes à feu, ils se méfiaient d’eux, les criminels aux bas instincts, des
fois qu’ils auraient descendu leurs chefs. Seulement des couteaux qu’ils
avaient, mais avec ça, ils cartonnaient quand même et revenaient avec un butin
de paysans égorgés et de filles éventrées. Alors, on les a fournis en gros
calibre.
C’est les plus féroces, foi de Ferdinand. Sur un
petit carnet, ils mettent un bâton à chaque dépouille, en soustraction des
années de prison qui leur restent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire