Deux mois déjà sans son mot à dire. C’est que,
chaque jour, comme écrivait un autobiographe, « le sujet dépasse le
disant ». Pour Stendhal, il s’agissait d’amour, sa grande affaire. Pour le
bloggeur du jour, ce sont les nouvelles du monde extérieur. Elles passent si
vite, sont données avec tant de mots répétés en boucle, qu’y ajouter augmenterait
la cacophonie.
Par exemple, ce re-confinement. Les optimistes
disent « second confinement » ; les pessimistes « deuxième
confinement », les amateurs de série « confinement
saison II ». Les linguistes rient sous le masque. Ils sont les seuls
à percevoir la nuance.
Un ami plaint les gens qui ont mauvaise
haleine : sous le masque, c’est insupportable.
L’un des avantages du masque consiste à
pouvoir faire semblant de ne pas reconnaître quelqu’un qu’on n’a pas envie de
saluer. C’est la vraie distanciation sociale, autre chose que la distance
physique, avec laquelle on la confond souvent.
Toute l’expression se concentre désormais dans
le regard : les rides, les pattes d’oie, l’éclat. L’âge se lit sûrement
dans cette mince ouverture de heaume médiéval. Surprise quand l’autre enlève le
bas (du visage).
J’ai même croisé des Orientaux sans masque.
En 1914-1918 aussi, la guerre sanitaire avait
suivi la guerre tout court ; la grippe espagnole avait fait plus de
victimes que la boucherie. Économiquement, un même vocabulaire sert pour les
deux guerres d’aujourd’hui, contre les ennemis invisibles de l’intérieur :
rempart, mesures de sécurité renforcées, contrôles de police, fronts,
surveillance. Et le compte des morts.
Revoilà les calamités liées au confinement, qu’on
pensait ne plus subir : les films avec de Funès, les émissions de cuisine,
les experts, les psychologues qui expliquent comment passer cette période
difficile, les blogs de confinés heureux pour qui ça ne change pas grand-chose.
Le rayon papeterie est ouvert, mais pas le
rayon livres. On peut toujours écrire.
Le casse-tête de Jean Castex : « Il
a fermé la porte à une réouverture » (un journaliste).
Monde à l’envers, où « positif »
tombe comme un couperet.
Pendant ce temps-là, le ministre de la
Justice, Éric Dupont-Moretti, masqué, fait l’éloge de la non-transparence.
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