jeudi 5 novembre 2020

Quoi et coi

Deux mois déjà sans son mot à dire. C’est que, chaque jour, comme écrivait un autobiographe, « le sujet dépasse le disant ». Pour Stendhal, il s’agissait d’amour, sa grande affaire. Pour le bloggeur du jour, ce sont les nouvelles du monde extérieur. Elles passent si vite, sont données avec tant de mots répétés en boucle, qu’y ajouter augmenterait la cacophonie.

Par exemple, ce re-confinement. Les optimistes disent « second confinement » ; les pessimistes « deuxième confinement », les amateurs de série « confinement saison II ». Les linguistes rient sous le masque. Ils sont les seuls à percevoir la nuance.

Un ami plaint les gens qui ont mauvaise haleine : sous le masque, c’est insupportable.

L’un des avantages du masque consiste à pouvoir faire semblant de ne pas reconnaître quelqu’un qu’on n’a pas envie de saluer. C’est la vraie distanciation sociale, autre chose que la distance physique, avec laquelle on la confond souvent.

Toute l’expression se concentre désormais dans le regard : les rides, les pattes d’oie, l’éclat. L’âge se lit sûrement dans cette mince ouverture de heaume médiéval. Surprise quand l’autre enlève le bas (du visage).

J’ai même croisé des Orientaux sans masque.

En 1914-1918 aussi, la guerre sanitaire avait suivi la guerre tout court ; la grippe espagnole avait fait plus de victimes que la boucherie. Économiquement, un même vocabulaire sert pour les deux guerres d’aujourd’hui, contre les ennemis invisibles de l’intérieur : rempart, mesures de sécurité renforcées, contrôles de police, fronts, surveillance. Et le compte des morts.

Revoilà les calamités liées au confinement, qu’on pensait ne plus subir : les films avec de Funès, les émissions de cuisine, les experts, les psychologues qui expliquent comment passer cette période difficile, les blogs de confinés heureux pour qui ça ne change pas grand-chose.

Le rayon papeterie est ouvert, mais pas le rayon livres. On peut toujours écrire.

Le casse-tête de Jean Castex : « Il a fermé la porte à une réouverture » (un journaliste).

Monde à l’envers, où « positif » tombe comme un couperet.

Pendant ce temps-là, le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, masqué, fait l’éloge de la non-transparence.

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