mercredi 25 mai 2016

Aspiration


Houellebecq exposant son bulletin de santé, c’est le point de convergence du naturalisme et de la décadence, à la Huysmans, une manière d’objectiver le « moi », de conjuguer l’extrême intime et le scientifique, le style et le corps. Très fort.

Écrire, ce n’est pas attendre l’inspiration, mais l’aspiration, par une pompe intérieure qui fait le vide. Et c’est là que l’aspiré monte ou descend, haut et bas se renversant, à des profondhauteurs irrespirables, où il fait si chaud et froid qu’il faut se dénuder jusqu’à l’os, insensible à la température. Là où les mots n’existent plus, si raréfiés, où ni moi ni toi on n’est plus soi-même, mais tout le monde et n’importe qui, comme « au moment vertigineux du coït […] tous les hommes sont le même homme », disent les habitants de Tlön, et peut-être alors quelque chose peut advenir, une sorte de forme qu’on devinerait au loin.

S’appeler Personne, c’est trop beau. Comme une invite à écrire, et à écrire sous de multiples hétéronymes, pour boucher le trou à la place du nom.

Un médecin à qui on demandait le sujet de son intervention répondit : « Je parlerai de moi. » On le prit pour un narcissique lourd, et on se cala dans son fauteuil. Il parla de M.O.I., la Médecine dans l’Océan Indien, sans dire une seule fois « je ».