Rue Damiette, à
Rouen, sur une vitrine
On dirait du Mozart
dit Mozart
et il jeta sa partition
Mystère : Mozart écrit
toujours du Mozart, c’est reconnaissable. C’est même ce qu’on appelle le style,
cette signature sonore, ou picturale, ou inscrite dans la langue.
Du pur Mozart, ce qu’il était seul à pouvoir faire (on identifie les
épigones, les suiveurs, les plagiaires) et qu’il ne pouvait pas ne pas faire.
Lui est-il arrivé de jeter
une partition en jugeant qu’il imitait Mozart ?
Ce n’était pas du mauvais Mozart (du mauvais Mozart est encore de la bonne
musique), mais d’un musicien sachant qu’il est déjà Mozart, cultivant sa
mozartitude, se regardant au miroir, se voyant peindre du coin de l’œil, ou
s’écoutant jouer. Comme si « Mozart » n’était pas cette marque qu’on
ne pourrait lui donner qu’à la fin, quand il aurait tout épuisé, mais la statue
déjà sculptée dans le corps vivant.
Parfois, en lisant les plus
grands, Proust, Céline, Duras, on se dit qu’ils nous donnent de la prose
proustienne, célinienne ou durassienne. Du pur
Duras, du Duras à la puissance deux, mais parfois aussi sorti de la plume d’un
auteur nommé Duras, qui aurait relu des livres signés Duras avant de se
relancer sur la page.
Même Flaubert, dans Bouvard et Pécuchet, se souvient parfois
d’avoir été l’auteur de Madame Bovary,
quand il dit l’ennui de la campagne.