dimanche 28 juin 2020

Police, vos papiers


Ceux qui la pratiquent sont les premiers surpris que la technique dite « clé d’étranglement » mérite parfois son nom. Il est question de la débaptiser, ou de la transformer, en « prise arrière ». Ce changement de posture risque de donner lieu à d’autres plaintes.

Dans la vidéo de l’infirmière traînée par les cheveux, on a vu les forces de l’ordre rapprocher leurs boucliers en paravent compact pour cacher aux caméras ce qui se passait derrière. Pourtant, les boucliers sont transparents, ou translucides, mais les corps des CRS qui les tiennent sont opaques. Comme disait mon père, pousse-toi de là, ton père n’est pas vitrier. Quand le rideau de verre et de fer s’est ouvert, la tête de la femme était en sang, au moins sur YouTube, car à la télé, la tête était floutée, on ne voyait plus le sang couler, sans doute pour préserver le droit à l’image de la victime.

D’après l’union des Officiers, l’expression de leur ministre, « soupçon avéré », est un oxymore. Ils ont dégainé le dictionnaire : d’après Larousse, le mot soupçon désigne une « opinion défavorable à l’égard de quelqu’un, de son comportement, fondée sur des indices, des impressions, des intuitions mais sans preuve précises », et avérer, à l’inverse, signifie « être reconnu comme vrai, authentique, exact ». C’est donc l’association des deux qui crée un oxymore, une contradiction. Mais le ministre ne l’entend pas de cette oreille. Au lieu de l’association entre les mots, il pratique au contraire la dissociation mentale. Au théâtre, on appelle cela la double énonciation, quand l’acteur s’adresse à deux destinataires différents. Le mot « soupçon » doit suffire à satisfaire l’opinion ; et la police devrait être rassurée juridiquement par la nécessité de prouver le caractère authentique du comportement raciste. Par temps de complexité, la parole officielle est coutumière de ces expressions qui sont censés concilier les inconciliables, par exemple quand un décret officiel portait sur le caractère « presque obligatoire » du port du masque. C’est obligatoire, dit la médecine ; c’est impossible dit le responsable des magasins vides. Alors, c’est « presque obligatoire ».

« La police fait ce qu’elle peut. Je ne lui jette pas la pierre » (France-Info, 26 juin 2020).

Aucun commentaire: