dimanche 4 novembre 2018

Robert Faurisson


Robert Faurisson est mort, ‒ à Vichy.

Le professeur Faurisson fut d’abord professeur de Lettres. Sa première étude était consacrée à Rimbaud. Publiée dans la revue Bizarre en 1961, elle s’intitulait : A-t-on lu Rimbaud ? La question comportait la réponse : non, mais me voilà. Les étudiants d’avant mai 68 ont été émoustillés : ils ont découvert un poète adolescent de 17 ans, pas sérieux, comme eux obsédé par le sexe. « Voyelles », c’est Vois Elle. Le sonnet dessine un blason du corps féminin « in coïtu », comme disait Faurisson. Les lettres miment les zones érogènes : A noir, c’est le triangle pelvien inversé, E blanc, les deux seins si on couche la lettre à l’horizontale, etc. Jouissif, inventif, iconoclaste, somme toute convaincant. Faurisson s’en prenait au mythe du Poète. Il ne savait sans doute pas lui-même où il voulait en venir.


La suite est arrivée une décennie plus tard, sous un titre analogue : A-t-on lu Lautréamont ? (Gallimard, Essais, 1972). Faurisson s’attaquait au second mythe fondateur du Surréalisme, l’auteur des Chants de Maldoror. Sa méthode : « Il faut se soucier de ce que le profane appelle le sens premier d’un texte. Toute œuvre est d’abord à considérer en elle-même. » Pourquoi pas ? Après tout, la lecture littérale peut produire une nouvelle réception, et le structuralisme aussi s’occupait de critique interne. Sauf que la critique interne et que la recherche du sens littéral, qu’on pouvait attendre impartiales, débouchent sur un jugement de valeur : Lautréamont est un mystificateur et ses Chants un canular.  Avant d’être un négationniste, Faurisson est un réductionniste.


Nerval est le troisième auteur soumis à la même opération réductionniste, dans La Clé des Chimères et autres chimères de Nerval (Pauvert, 1977). Gérard n’est pas un farceur érotomane comme Rimbaud, ni un bouffon comme Lautréamont, mais sa poésie a fait l’objet d’une identique mythification que Faurisson s’emploie à déconstruire. Comment ? En traduisant ses vers en prose : alors, le message apparaît dans sa clarté, ses textes ont un sens et un seul. Ici, la réduction porte sur le genre : vous croyez à la puissance de la poésie, au caractère inépuisable de ses significations ? Rabattez la poésie sur la prose, et les Chimères deviendront des créatures ordinaires. Faurisson vous donne une clé et une seule, qui ouvre toutes les portes.


Entre le Faurisson réductionniste en littérature et le Faurisson négationniste en histoire, il y a continuité d’esprit et cependant une différence qui tient à la discipline : aux prises avec l’interprétation des textes, il affirmait un sens unique ; devant le matériau historique, il nie la réalité des faits. Le « faussaire de l’histoire » n’était en littérature qu’un esprit faux. On n’avait pas prévu le glissement.

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